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Fin de vie
Comprendre les fragilités
Sa plume est bouleversante, incisive, précise, étayée et douce en même temps. Véronique Lefebvre des Noëttes est une médecin de terrain, auprès des situations humaines extrêmes (maladies neuro-cognitives, fin de vie, mort). C'est une militante qui sait raconter et transmettre en s'appuyant notamment sur les artistes (lire notamment Que faire face à Alzheimer ? , Vieillir n'est pas un crime (pour en finir avec l'âgisme), La force de la caresse). Dépassant les clivages "pour" ou "contre" l'euthanasie, elle nous ouvre des horizons de douceur, de dignité, de fraternité, de liens d'humanité jusqu'au bout. Pour les morts et les vivants.
"Les Ehpad sont des lieux que personne n'a vu mais dont tout le monde parle" affirme, placide et goguenard, le chat de Geluck.
Donner à voir, raconter l'histoire des soins, de l'accompagnement des mourants, de la mort dans notre pays, partager les témoignages des personnes malades, souffrantes, en fin de vie... avec sa plume douce et précise, le docteur Véronique Lefebvre des Noëttes nous emmène réfléchir aux dilemmes éthiques, que l'on n'a pas envie de voir. "Ce que je sais, c'est que je ne sais rien" : elle cite Socrate (page 41) pour rappeler que nul ne sait quand et comment il va mourir, n'en déplaise aux grands médecins-sachants Cassandre.
L'enjeu clé, c'est le non-abandon, la présence, la fraternité, les silences.
Elle truffe ses propos des fulgurances d'artistes pour guider, éclairer ses expériences de praticien qui prend position en citant le poète Christian Bobin "Celui qui donne la mort, c'est qu'il est déjà mort. Celui qui tue, c'est par manque d'air" (page 207).
Elle aide à affronter les peurs, comme celle de souffrir en s’appuyant encore et encore sur les artistes comme la violoncelliste Claire Oppert et son "pansement Schubert" : sa musique dans les services de soin, auprès des personnes, apaise ou réveille, sa qualité de présence élève l'âme.
Face à l'envie de mourir devant sa vulnérabilité, sa déchéance... elle raconte les électrochocs des morts autour de soi, comme l'explique Christian Bobin (page 191) : "La mort a beaucoup de vertus, notamment celle du réveil. Elle nous ramène à l'essentiel, vers ce à quoi nous tenons vraiment".
Reste que les plus de 65 ans représentent 30% des 9 200 suicidés par an en France.
On meurt encore mal à domicile, en Ehpad à l'hôpital, malgré les protocoles, les médicaments, les traitements qui soulagent 99 % des douleurs, jusqu'à la sédation profonde et continue, expliquée, choisie avec la personne ou sa personne de confiance (selon les directives anticipées), explique l'autrice. Elle regrette néanmoins que ces informations soient encore si mal connues, que les citoyens s'en saisissent si peu, et que les plans "soins palliatifs" n'aient toujours pas encore abouti à un accès pour tous à cette médecine clé, partout.
Page 131, elle interpelle son confrère, l'urgentiste François Braun devenu ministre de la Santé : "La maison brûle et on regarde ailleurs." Elle conclut par le vœu de la diffusion d'une "culture réflexive et palliative des soins, loin de la banalisation du droit de l'aide médicale à mourir dans nos sociétés post-modernes devenues maltraitantes et utilitaristes pour les personnes les plus fragiles".
Mourir sur ordonnance ou être accompagné jusqu'au bout ?
Témoignage d'un médecin
Dr Véronique Lefebvre des Noëttes
Editions du Rocher
330 pages- 18,90 €
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A mon tour, je recommande cette lecture d'une actualité brûlante. On ne pourra pas dire que l'on ne savait pas...