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Depuis une semaine, le monde des Ehpad est en ébullition. La parution des bonnes feuilles de l’enquête signée Victor Castanet en début de semaine dernière dans Le Monde, puis du livre Les Fossoyeurs mercredi ne cessent de causer des remous dans le secteur, et plus particulièrement dans le groupe Orpéa, directement visé. Dernière réaction en date, le limogeage d’Yves Le Masne, le PDG du groupe dimanche.
Alerté par des professionnels, le journaliste Victor Castanet a mené l’enquête durant trois ans. Une investigation qui concernait au départ un établissement Orpéa situé à Neuilly, mais qui a fini par mettre en cause le groupe tout entier.
Car selon les révélations de Victor Castanet, les faits de maltraitance constatés par les professionnels et les proches à Neuilly – nourriture et protections pour incontinence rationnées, résidents enfermés dans leurs chambres, laissés sales, escarres non traitées… - sont le fruit d’un système mis en place à l’échelle du groupe.
« Optimisation » de la masse salariale jusqu’à des embauches via des CDD frauduleux, dépassement de la capacité autorisée pour obtenir des taux d’occupation de plus de 100 %, système de rétrocessions impliquant les fournisseurs du groupe… Victor Castanet dénonce « un système de réduction des coûts extrêmement violent », qui laisse les professionnels, de l’aide-soignant au directeur, impuissants. Témoignages et documents à l’appui.
Si Orpéa et son fondateur (aujourd’hui retiré) Jean-Claude Marian ont commencé par démentir ces accusations, l’affaire continue de faire de vagues.
La ministre de l’Autonomie Brigitte Bourguignon a lancé une enquête flash pour en savoir plus sur un contrôle mené par l’agence régionale de santé en 2018. La ministre recevra le directeur général France d’Orpéa ce mardi.
Ouest-France rapporte des contrôles menés par les autorités à l’Ehpad
de Neuilly mais aussi dans les établissements belges du groupe.
Emmenées par maître Sarah Saldmann, des familles se sont quant à elles regroupées pour déposer une action collective début mars.
Et dimanche soir, le groupe a annoncé par voie de communiqué avoir mis fin aux fonctions de directeur général d’Yves Le Masne, l’un des trois dirigeants du groupe cité dans Les Fossoyeurs, après 28 ans au sein d’Orpéa. Il est remplacé par Philippe Charrier, président non exécutif du conseil d’administration.
Candidats à la présidentielle, fédérations professionnelles, directeurs d’établissement et représentants des familles ont eux aussi réagi aux révélations du livre.
Pierre Gouabault, qui dirige trois établissements dans l’Eure, affirme ainsi « qu'une autre voie est possible et que nous sommes des milliers de professionnels du Grand Age à défendre nos valeurs d'accompagnement en dignité ».
De son côté « l’association nationale des maires et de leurs adjoints en charge des questions sanitaires et sociales condamne fermement les pratiques indignes qui y sont décrites », et souligne que « cette enquête donne à voir d’autres problèmes de fond », notamment les contrôles insuffisants des autorités.
Pour les familles représentées par l’InterCVS de l’Essonne, « des cas
de maltraitance existent malheureusement dans tous les Ehpad, quel que
soit leur statut : commercial, associatif, public. Ceux du commercial,
vu le niveau des tarifs pratiqués, sont censés assurer une qualité
supérieure ».
Si l’Ehpad Les Bords de Seine de Neuilly cité dans l’enquête bat tous
les records avec des prix mensuels compris entre 6500 et 12 000 euros,
les Ehpad commerciaux affichent en effet un tarif un peu plus élevé que
les autres, avec un prix mensuel médian de 2555 euros en 2018 contre
1977 euros tous statuts confondus.
Mais malgré ces tarifs supérieurs, et c’est là l’un des problèmes soulevés par le livre, les professionnels soignants sont payés par des fonds publics dans le privé comme dans le public : le prix facturé aux résidents et à leur famille n’a donc pas d’incidence sur le nombre d’aides-soignants ou d’infirmiers en place, cet argent ne sert à payer que l’hébergement (prix de la chambre, repas…).
Pour autant, rappelle l’InterCVS, « malgré l’insuffisance de moyens, les bonnes pratiques des professionnels et celles des bénévoles existent aussi. Peu sont connues et mises en avant ».
C’est aussi le message qu’ont souhaité faire passer les directeurs d’établissements labélisés Humanitude : « Nous, les 26 Ehpad Humanitude, attestons qu’il est possible, aujourd’hui, de respecter une démarche qualité, éthique, de bientraitance », écrivent-ils dans un communiqué envoyé la semaine dernière.
Un label obtenu par les structures qui respectent les cinq principes suivants, évalués par un référentiel de 500 critères après une visite sur site :
Ils invitent la presse, mais aussi tous ceux qui le souhaitent à visiter leurs établissements pour que chacun puisse le constater par soi-même.
Une transparence indispensable pour retisser la confiance et rassurer les inquiétudes légitimes des Français, a déclaré ce lundi Florence Arnaiz-Maumé, présidente du syndicat des établissements privés commerciaux.
Le Synerpa demande que les indicateurs de qualité des Ehpad soient rendus publics, notamment le nombre de professionnels travaillant dans chaque structure et la composition de l’équipe, afin que chacun puisse choisir un établissement en connaissance de cause. Une transparence qui doit s’afficher au niveau de chaque Ehpad mais aussi à l’échelle des groupes.
Le syndicat plaide aussi pour la transformation des conseils de la vie sociale (CVS) en conseils des parties prenantes, ouverts aux élus du territoire.
Les Fossoyeurs - Révélations sur le système qui maltraite nos aînés
Victor Castanet
Fayard
26/01/2022
22,90 euros
Mon beau-père a fini malheureusement sa vie dans une ULSD, les traitements subis ou l’absence de soins sont une honte. J’ai signalé ces faits au maire de la ville, à l’ARS, à Mme Buzyn, Mme Macron et n’ai jamais eu de réponse. J’ai obtenu avec difficulté un article dans le journal. Tout le monde sait mais ne dit rien… Et que dire du confinement dans les EHPAD en 2020, mon beau-père n’était plus là, je n’aurais pas supporté.