Alzheimer
Les espaces Snoezelen® ou l'éveil des sens
Temps de lecture 8 min
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« Snoezelen » résulte de la contraction de deux mots néerlandais qui signifient : renifler pour « snuffelen », somnoler pour « doezelen ».
Les implantations françaises d’espaces Snoezelen® ont commencé à voir le jour dans les années 90. Ces environnements confortables et rassurants sont propices à la stimulation des 5 sens par la musique, les jeux de lumière, la vibration, les sensations tactiles et olfactives.
Ces espaces proposent des expériences variées stimulant les sens primaires dans une atmosphère de confiance et de détente. Ils deviennent ainsi lieu de convivialité, de respect mutuel, d’écoute. Pour les personnes qui ne sont plus en mesure de s’investir dans une activité gratifiante, les espace Snoezelen redonnent de l’importance à des choses simples.
La salle “blanche” permet la relaxation et développe la vue ; elle crée une atmosphère de détente, de sécurité et de stimulations douces. Les effets lumineux, lumières mobiles, colonnes à bulles ou à balles, musique appropriée encouragent la concentration. Elle peut aussi développer le sens tactile grâce au toucher des revêtements aux textures diverses.
La salle de découvertes encourage le mouvement à partir de différentes positions du corps et favorise les jeux moteurs. Le sens olfactif y est stimulé au moye de diffuseurs d’huiles essentielles, notamment.
La salle interactive favorise l’entrée relation, grâce aux souffles, aux jeux de lumière, de sons et fréquences de différents instruments de musique...
Entrez dans un espace Snoezelen® et écoutez Madame Renard, formatrice à l'utilisation du concept Snoezelen®
Images et interview réalisées lors du salon GERONT EXPO-HANDICAP EXPO 2007
Avec l'aimable autorisation de PG Promotion
L’espace Marie-France Germain à l’hôpital Corentin Celton (Issy-les-Moulineaux 92)
L’espace Snoezelen, de l’hôpital Corentin-Celton baptisé « espace Marie-France Germain » est un lieu de stimulations sensorielles dédié au confort et au bien-être des personnes dépendantes.
En savoir plus sur le site de l’hôpital Corentin-Celton
Les effets de la pratique Snoezelen dans la relation et la communication soignant-soigné (Mémoire de DU)
"Snoezelen et personnes présentant une maladie d’Alzheimer ou un trouble apparenté : regards des soignants"
Condensé du mémoire réalisé par Vanessa Masset dans le cadre du Diplôme Universitaire « Maladie d’Alzheimer et troubles apparentés : approches cognitives, psychothérapeutiques, comportementales, environnementales et éducatives », Université Pierre et Marie Curie, année 2009.
Psychologue clinicienne travaillant en gériatrie, j’ai poursuivi, dans le cadre de la formation continue, le Diplôme Universitaire « Maladie d’Alzheimer et troubles apparentés : approches cognitives, psychothérapeutiques, comportementales, environnementales et éducatives », encadré par le Pr Joël Belmin et le Dr Olivier Drunat.
Lors de ce DU il était demandé aux étudiants de réaliser un travail de réflexion et d’évaluation traitant d’une approche non-médicamenteuse permettant la prise en soin des personnes souffrant d’une maladie d’Alzheimer ou troubles apparentés.
Mon intérêt s’est porté vers la pratique Snoezelen et plus particulièrement les effets que celle-ci pouvait générer au sein des relations et de la communication entre les soignants et les « soignés ».
Si dans la littérature nous pouvons trouver de nombreux travaux étudiant les effets de l’approche Snoezelen sur certains troubles psycho-comportementaux liés à la maladie d’Alzheimer, en revanche peu d’études se sont attachées à analyser les effets de cette approche du côté des soignants, sur leur relation, leur communication et leur manière de ressentir leur travail auprès des personnes présentant une maladie d’Alzheimer.
Dans sa thèse traitant de l’évaluation des effets de la stimulation sensorielle auprès des personnes âgées atteintes de syndromes démentiels Lehnhart émet l’hypothèse que la stimulation sensorielle permet de réduire le stress de l’équipe soignante. Il mesure celui-ci par l’item « retentissement émotionnel sur l’entourage » coté pour chaque trouble du comportement présent dans le NPI. Même si la significativité est faible Lehnhart confirme son hypothèse. (1)
Une étude néerlandaise démontre que l’introduction de l’approche Snoezelen dans une unité de vie spécialisée dans la prise en soin de personnes souffrant de syndrome démentiel améliore la qualité de travail des soignants. Les résultats sont significatifs concernant la pression du temps, la manière de percevoir les problèmes, les réactions au stress et l’épuisement émotionnel. (2)
Une autre étude s’est attachée à observer les processus de changement liés à l’implantation de l’approche Snoezelen dans les soins quotidiens d’une unité de vie spécialisée. Les résultats de cette étude montrent que l’implantation de l’approche Snoezelen a permis de passer d’une pratique soignante centrée sur les soins techniques à une pratique soignante centrée sur le résidant.
Des changements au niveau des résidants ainsi que des changements organisationnels ont également été mis en évidence, du moins quand les conditions du changement sont favorables (organisation hiérarchique, pratique etc.) (3)
Les mêmes auteurs ont mené une étude sur les effets de l’approche Snoezelen sur la communication entre les soignants et les résidants quand cette approche est intégrée aux soins quotidiens dans une unité accueillant des personnes souffrant de syndromes démentiels.
Cette étude met en évidence l’importance de sensibiliser à l’approche Snoezelen les soignants « du quotidien » (ici des infirmières diplômées) effectuant le délicat soin de la toilette afin de bonifier de manière significative la prise en soin globale en améliorant la communication, de manière quantitative et qualitative, sur les plans verbaux et non-verbaux, entre soignants et résidants (4).
Aujourd’hui coexistent, de manière complémentaire, deux types d’approche de la pratique Snoezelen : ceux qui sont plutôt partisans du fait que cette pratique doit être encadrée par des professionnels formés de manière approfondie à la maladie d’Alzheimer, à la communication non-verbale, sensorielle, à la capacité à accueillir les émotions et leurs différentes manifestations (psychomotriciens, psychologues) ; et ceux qui soulignent l’importance de partager avec tous les soignants (AMP, auxiliaires de vie, aides-soignantes, infirmières) l’approche Snoezelen et que celle-ci « sorte » des espaces dédiés pour être accessible à tous et sans contraintes spatio-temporelles (espaces ouverts en permanence aux soignants-résidants-familles , développement des chariots mobiles afin d’implanter l’approche Snoezelen dans des services et établissements qui pour des raisons pratiques et/ou financières ne peuvent avoir d’espace dédié) (5)
Il est également souligné par les différents professionnels l’importance d’intégrer les aidants familiaux, les proches à l’utilisation de l’approche Snoezelen.
Eu égard ces différents éléments la question qui guida mon travail fut la suivante :
« Quelle est l’influence de l’utilisation de l’approche Snoezelen sur la manière des soignants de percevoir la relation avec les soignés ? »
A travers ce sujet je souhaitais savoir si les séances pratiquées au sein des espaces Snoezelen influaient sur la perception de la maladie et du sujet « malade » chez les soignants «du quotidien » (auxiliaires de vie et AMP ici), si cette pratique avait un impact sur leurs représentations de la maladie, leur manière d’être avec la personne au quotidien et de considérer leur travail.
J’ai réalisé des entretiens avec des aide-médico-psychologiques et des auxiliaires de vie travaillant dans des unités de soins spécifiques « Alzheimer » et pratiquant l’approche Snoezelen et à chacune a été proposé un auto-questionnaire axé sur la manière de percevoir la relation, la communication et le travail avec les résidants présentant une maladie d’Alzheimer ou un trouble apparenté.
Ces auto-questionnaires ont également été proposés à des soignants exerçant dans le même type d’unités mais ne pratiquant pas l’approche Snoezelen afin de voir si des différences étaient observables et évaluables.
Les entretiens furent une importante source d’enseignement bien que l’analyse des résultats de l’auto-questionnaire n’ait pas permis de montrer de manière significative des différences dans la manière de percevoir la maladie, la relation, la communication et le travail auprès de personnes souffrant de maladie d’Alzheimer entre les soignants pratiquant ou non l’approche Snoezelen.
Les soignants rencontrés expriment tous l’enrichissement professionnel que leur procure la pratique de l’approche Snoezelen. Face au sentiment d’impuissance bien connu des soignants celle-ci est considérée par eux comme une méthode efficace et probante pour entrer en relation avec des personnes dont la maladie faisait parfois douloureusement barrage à la communication et la relation, pouvant générer incompréhension et découragement.
Les soignants expliquent que les séances Snoezelen leur ont permis d’entrer en relation de manière privilégiée avec les résidants et ainsi de porter un regard différent sur la Personne. Ils disent avoir ainsi pu se montrer plus compréhensifs et tolérants envers certains troubles psycho-comportementaux exprimés par les résidants qu’il leur était avant parfois difficile à gérer et accepter.
La pratique de l’approche Snoezelen est pour eux très valorisante, donne du sens à leur travail au quotidien et est considérée comme stimulante et source de satisfaction du fait que par son biais ils éprouvent un sentiment d’utilité et de renforcer leurs bonnes pratiques.
Ces différentes rencontres m’ont permis d’avoir une vision plurielle et complémentaire de la démarche Snoezelen aujourd’hui auprès de personnes présentant une maladie d’Alzheimer ou un trouble apparenté et d’en observer, à travers le discours des soignants, les effets bénéfiques au sein de cette délicate et riche aventure de l’accompagnement au quotidien des personnes ayant une maladie d’Alzheimer.
Référence bibliographiques citées :
1) G.Lehnhart, F.Penin, F.Paille, G.Barroche, M.Dumay, S. De Nadai, V.Beziaud, B.Hamm, (2004), « Evaluation des effets de la stimulation sensorielle par la méthode snoezelen auprès des personnes âgées atteintes de démence », L’année Gérontologique
2) The effects of the implementation of snoezelen on the quality of working life in psychogeriatric care, Van Weert JC, Van Dulmen AM, Spreeuwenberg PM, Bensing JM, Ribbe MW, (2005),“The effects of the implementation of snoezelen on the quality of working life in psychogeriatric care”, Int Psychogeriatr. , 17(3): 470-27, Sep
3) Van Weert JC, Kerkstra A, Van Dulmen AM, Peter GJ, Bensing JM, Ribbe MW, (2004),“The implementation of snoezelen in psychogeriatric care : an evaluation through the eyes of caregivers”, International journal of nursing studies, 41, 397-409
4) Julia C.M van Weert, Alexandra M. van Dulmen, Peter M.M. Spreeuwenberg, Miel W.Ribbe, JozienM. Bensing, (2005),”Effects of Snoezelen, integrated in 24h dementia care, on nurse-patient communication during morning care “, Patient Education and Counselling, 58, 312-326
5) Linda Benattar et Patrick Lemoine, (2009) « La vie Alzheimer », éditions Armand Colin
Contact : vanessa.masset@aliceadsl.fr
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