Alzheimer
Maladie d'Alzheimer : affronter les troubles de la connaissance, du geste et de la parole - Au sommaire de ce dossier
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La maladie d'Alzheimer s'accompagne de son lot de troubles qui bouleversent le quotidien. Retrouvez dans ce dossier nos conseils pour y faire face.
Au sommaire :
Troubles cognitifs, du langage et des gestes
Une fourchette pour la soupe ?
La personne malade prend une fourchette pour manger la soupe ? Tente de boire dans une pantoufle ? Fait ses besoins à côté de la cuvette des toilettes ? Met ses boucles d’oreilles dans la bouche et les croque...?
Quand un malade n’identifie plus les objets, oublie à quoi ils servent, il faut intervenir doucement, donner au malade l’objet qui correspond à son objectif et reprendre ensuite l’autre, d’un air calme, normal, sans exclamation.
Exemple : donner une cuiller en reprenant la fourchette avec laquelle la personne essayait de manger sa soupe ; donner un verre, en reprenant la pantoufle dans laquelle elle allait boire.
Il est possible aussi de réaliser soi-même correctement l’action à faire et d’attirer le regard et l’attention de la personne sur soi. Lorsqu’elle vous regarde, lui donner l’objet avec le sourire, sans commentaire, sans grimace péjorative.
Si la relation affective avec la personne est bonne, si vous avez gagné sa confiance, vous arriverez à la corriger et à lui réapprendre des choses, au fil des jours et des mois.
En revanche, montrer son exaspération à la moindre erreur, se livrer à des paroles ou des gestes agressifs, aboutit à rendre le patient malheureux et augmente ses réactions agressives.
Attention : dans le même temps, ne pas la corriger ou ne pas communiquer avec elle et faire tout à sa place aggrave aussi la démence.
Affronter les troubles de la parole (aphasie)
Les phrases deviennent incohérentes, la prononciation est répétitive, la personne n’arrive plus à se faire comprendre et devient angoissée, nerveuse. Qui ne le serait à sa place ?
Supposons qu’elle ait besoin d’aller aux toilettes. Elle ne les localise plus, a oublié le mot “toilette ” et le besoin presse : elle s’agite et essaie de se faire comprendre. Sans succès.
En la voyant gesticuler, vous l’invitez à s’asseoir, à se calmer. Au bout d’un moment, elle aura uriné ou fait sous elle. Elle peut en avoir honte et vous en vouloir. Si vous lui adressez des reproches, elle deviendra plus malheureuse ou agressive.
Décoder
Que faire face un discours incohérent ou agité ?
Essayer de décoder en se rattachant à un mot, en apprenant le code de communication non verbal du malade. Souvent, dès que la personne se sait comprise, elle est encouragée et ose parler, poser des questions. Dès que le message est passé, une reformulation verbale facilite sa mémorisation éventuelle.
- Se placer face à la personne pour qu’elle lise sur les lèvres (mieux vues si elles sont rouges) ;
- Parler lentement ;
- Bien articuler ;
- Accepter qu’il y ait des jours avec et des jours sans paroles ;
- Vivre au jour le jour.
Attention : ce n’est pas parce que le malade ne réagit pas qu’il ne comprend pas. La maladie évolue, peut tromper, donner de faux espoirs, ou au contraire autoriser le pire des pessimismes.
Le parent réagit parfois bien à la conversation et peut, par moments, formuler une ou plusieurs phrases correctes et bien prononcées ; répondre juste et avec des mots exacts. Mais il peut perdre à nouveau le fil, se rappeler une chose aujourd’hui pour l’oublier demain, et vice versa.
Le malade atteint de la maladie d’Alzheimer ne comprend pas la même chose que nous.
Quand vous dites “Ouvre la bouche”, il ou elle répond “Oui ”... mais ne le fait pas ; “Tu veux un gâteau” entraîne la réponse “Non ”... mais le malade prend le gâteau et le mange ; “Tu veux aller aux toilettes” entraîne la réponse “Non”... et le patient se mouille cinq minutes après.
Là encore, mieux vaut décoder une expression du visage que faire confiance à une tentative de discours. Il faut considérer le langage comme une devinette.
En fonction de l’heure et de l’activité de la personne... Si elle est restée longtemps assise, elle veut peut-être dire qu’elle a envie de marcher ; s’il y a longtemps qu’elle n’a pas bu, qu’elle a soif, etc.
Affronter les troubles du geste (apraxie)
Le malade n’est plus capable de faire des gestes complexes et coordonnés, comme conduire une voiture ou utiliser un four...
Ensuite, il ne peut plus signer un chèque, s’habiller seul, allumer une cigarette, fermer la porte... Là encore, il faut apprendre à comprendre.
Quand les gestes perdent leur signification
Les gestes du malade perdent leur signification courante et la personne ne comprend plus ou comprend autrement les nôtres. Les siens peuvent également ne pas s'accorder avec ce que nous attendons, ou avec ses paroles, ses idées.
Exemple: Le malade peut faire les gros yeux et pointer son index d'une façon menaçante en disant "C'est très bon".
- Une autre, pour trouver un mot perdu, secoue son poing fermé, lève les yeux et mord le coin de ses lèvres, comme si elle allait frapper.
- Un troisième peut mordre nos doigts pour nous montrer son mal aux dents; serrer notre gorge pour montrer qu'elle a mal à la gorge; manger un morceau de papier pour dire "J'ai faim". Les proches peuvent trouver ces comportements désespérants, voire hostiles. Mais il s'agit d'impressions fausses.
Exemple : Lorsque Jeanne ouvre les bras pour embrasser son père et que ce dernier tourne le dos et s'en va, Jeanne se vexe et se culpabilise. Elle dit : “Il ne m'aime plus, car...” ou “Il ne m'a pas pardonné pour...”
Alors que, tout simplement, son père n'a pas compris ou a mal compris le geste. Il faut donc expliquer aux membres de la famille, aux amis... que leur visite est importante même s'ils ont l'impression de ne pas être les bienvenus.
Il est important de savoir que les mêmes gestes se reproduisent dans les mêmes situations, ce qui en facilite la compréhension.
Pour exprimer son envie d'aller aux toilettes, telle personne se déboutonnera, l'autre se déshabillera, une troisième courra dans tous les sens, ou massera son ventre... Dès qu'on comprend la signification du geste et qu'on les amène aux toilettes, ces manifestations disparaissent.
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Comment gérer la déambulation ?
La déambulation sans but est fréquente dans la maladie d'Alzheimer.
La personne marche pendant des heures et des heures, sans but. Elle s'assied deux minutes puis se lève pour marcher à nouveau; elle fait mine de s'asseoir mais repart aussitôt… L'empêcher de marcher et la contraindre à s'asseoir puis l'attacher génère agitation et colère. Les déambulations peuvent entraîner un état d'épuisement.
Pourquoi ce syndrome de marche infinie ?
Sans doute, les personnes traduisent leur angoisse, leur stress en déambulant.
La déambulation peut parfois être consécutive à l'utilisation prolongée de médicaments. Certaines nuits, la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer n'arrive pas à dormir : elle est capable de marcher, de travailler et de ranger (ou même de sortir) pendant la nuit. Il faut la laisser libre dans la maison où tous les dangers sont écartés. Après s'être fatiguée, et sous l'effet d'un calmant prescrit, elle laissera tout pour aller dormir. Le lendemain, fatiguée, elle dormira toute la journée. "Elle prend le jour pour la nuit..." et c'est très épuisant pour la famille — qui ne dort pas la nuit non plus — et hésite à l'enfermer à clé dans sa chambre.
Que faire ?
Sortir la personne et marcher avec elle dans un parc, dans les rues ou dans un supermarché est une activité "thérapeutique". A condition que l'accompagnant contrôle bien la situation.
Etudier également des itinéraires circulaires qui ramènent insensiblement au point de départ et permettent un retour aisé à la maison.
Pour pouvoir fermer la porte de sa chambre la nuit sans inquiéter le malade, il faut la dissimuler à ses yeux. Un portemanteau astucieusement fixé au-dessus de la serrure et une robe de chambre qui pend masquant ainsi la poignée feront parfaitement l'affaire. Le malade, ne pouvant pas se concentrer longtemps sur une chose précise, oubliera la poignée et avec elle l'idée de sortir de la chambre.
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Faire face aux angoisses, à l’irritabilité, aux illusions
L'angoisse demeure tout au long de la maladie et cause de l'agitation et même de l'agressivité chez les malades. Les causes en sont très diverses.
Exemples : L'un peut s'angoisser pour son travail au milieu de la nuit, tenter de s'habiller et se ruer en direction du bureau. La famille se récrie. Réaction de la personne : elle peut se fâcher ou avoir honte de son erreur et s'enfoncer dans la tristesse.
Une femme peut subitement s'angoisser pour le bébé qu'elle croit avoir oublié dans son lit (elle a oublié que ses enfants ont grandi). Elle s'affole, essaie de le rechercher, mais ne sait pas où aller, s'angoisse de plus en plus.- Si nous la forçons à s'asseoir, en ne comprenant pas ce qui se passe dans sa tête, elle va s'irriter : elle défend son enfant.
Quand le malade est angoissé, il court ou marche sans cesse, parle sans arrêt, manipule un objet pendant des heures, met tout ce qu'il trouve dans sa bouche et... "Elle mange le savon !"
Celui qui ne peut pas bouger tire ses draps, ses boutons, ses habits, ses mains et ses doigts, ses pantoufles.
La personne malade peut avoir des hallucinations : entendre ses enfants et vouloir les toucher, alors qu'il n'y a personne dans la pièce; elle peut voir dans les plis de la couverture comme les formes d'un serpent; ou entamer un délire de persécution en accusant un tiers de la voler.
Quelques trucs
La personne malade boit notre angoisse comme un buvard l'encre. Très sensitive, elle sent si elle communique son angoisse, ce qui accroît la sienne d'autant. L'entourage doit être calme et inspirer confiance. Plus la personne aura confiance en ceux qui s'occupent d'elle, moins elle sera angoissée.-Boire des tisanes pour diminuer l'angoisse. Des tisanes calmantes à base de passiflore, valériane, aubépine, peuvent être utilisées.
Si la personne joue avec son sexe, il ne faut pas moraliser, mais lui donner autre chose à manipuler: une revue, une peluche, un chapelet ou un tissu.
Si un malade ne se reconnaît plus dans les miroirs, mieux vaut les masquer par un tissu.
Eviter de raisonner à perte de vue sur un objet égaré. Proposer une activité alternative. Mieux encore, garder en réserve un double des objets que la personne a tendance à égarer pour éviter qu'elle ne parle de vol.
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Fabriquer un nouveau dictionnaire de la communication
Un malade atteint d'Alzheimer va perdre petit à petit tous ses repères verbaux. Il est donc essentiel d'apprendre à décoder son comportement non verbal : tâche bien évidemment malaisée.
Décoder
Observer la mimique, la direction du regard, le ton de la voix, la posture, la fébrilité des gestes, la couleur du visage.
Rechercher les expressions de plaisir ou de déplaisir.
Isoler les mots clés : face à un discours incohérent, à un jargon incompréhensible, isoler les mots qui reviennent pour tenter de saisir un sens.
Ne pas faire semblant de comprendre. Dire ce qu'il en est.
Choisir le moment opportun : pour solliciter la collaboration du malade, il est préférable d'attendre qu'il soit bien reposé. Eviter de le déranger lorsqu'il paraît absorbé dans une activité.
Adapter nos demandes à ses capacités : par exemple, accorder un délai suffisant à la personne pour qu'elle puisse répondre.
Eviter de mettre la pression, de l'interrompre ou de la bousculer lorsqu'elle parle, cela ne ferait qu'augmenter son désarroi. Il faut s'attendre à ce que les réponses tardent de plus en plus, soient moins parfaites ou remplacées par des gesticulations.
Tenir nos promesses en dépit des troubles de mémoire de la personne. Il s'agit d'un être humain qui peut, tout comme nous, être blessé même s'il ne peut le communiquer. La mémoire "affective " semble assez bien préservée chez les sujets atteints de démence.
Parler d'un ton calme avec des gestes doux favorise une réponse calme de la part du malade. A l'opposé, un ton élevé et des gestes brusques risquent de provoquer crainte et méfiance.
Utiliser le nom de la personne et se nommer pour l'aider à se situer par rapport à nous.
Livrer un seul message à la fois. Terminer une action avant de passer à la suivante.
Ne donner qu'une consigne ou directive à la fois. La répéter avec les mêmes mots si nécessaire. La reformulation en d'autres termes équivaut à lui demander de saisir un nouveau message.
Recourir aux rituels sociaux : salutations, poignées de main, sourires sont des gestes appris, éloquents et faciles à comprendre.
Compléter les messages avec des objets ou des gestes : utiliser des objets réels, des images, des gestes, le toucher ou des messages écrits pour illustrer un propos. Désigner l'objet en le nommant augmente nos chances d'être compris.
Pour confirmer à la personne que nous tentons de saisir son message, il est bon de répéter quelques-uns des mots qu'elle utilise. Cette reconnaissance la rassure et montre notre attention.
Eviter les questions ouvertes (pourquoi ? comment ?): préférer celles qui comportent une alternative :"Veux-tu du lait ou du café ?"
Simplifier les questions pour permettre des réponses par « oui » ou " non ". Si la personne présente une détérioration marquée, les questions peuvent être remplacées par des énoncés affirmatifs tels que "Voici un fruit ". Cette pratique réussit d'autant mieux que l'on connaît ses goûts et ses besoins.
Dresser une liste des mots et des gestes auxquels répond la personne : lorsque la communication devient plus difficile, c'est un moyen de rechange pour susciter une réponse.
Précéder d'une explication simple chaque intervention impliquant un contact physique ou la manipulation d'objet appartenant à la personne. Commenter au besoin.
Présentée graduellement, une information peut être intégrée par le malade, ce qui diminue sa crainte.
Exemple :
1ère étape: " On va dîner."
2ème étape : "Nous allons dans le couloir " (en franchissant la porte)
3ème étape : "Au bout du couloir, c'est la salle à manger " (une fois dans le couloir)...
Réapprendre à toucher
Le toucher doit aussi solliciter l'autorisation corporelle du patient. Imaginez le bond que vous feriez si dans la rue un inconnu posait sans vous avertir la main sur vous.
C'est pour éviter cette "surprise", que nous préconisons d'entrer sur le corps de l'autre par le bout des doigts, la paume se posant ensuite, et l'inverse pour quitter le corps du patient. Ce toucher très tendre est en lui-même porteur de la douceur, et favorise le lien entre les partenaires du soin.
Là encore, il nécessite un long apprentissage, afin que l'on puisse enfin reconnaître le toucher du soignant comme un véritable geste professionnel à part entière, comme l'est celui du sculpteur, du peintre ou le geste du menuisier.
Yves Lamarre, chercheur en neurosciences au Québec, a mis en évidence que le toucher de la caresse, qui correspond à notre toucher tendresse, est une réalité neurologique dès le huitième mois de grossesse, et il a identifié les voies nerveuses et les zones du cerveau stimulées.
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