Bien vieillir (prendre soin de soi)
Une personne âgée sur deux a des relations intimes et 91 % d’entre elles en sont satisfaites
Sujet tabou par excellence, la vie affective et sexuelle des personnes âgées est aussi jugée indigne d’intérêt : rare sont les études, les politiques publiques qui se sont penchées sur le sujet. A l’occasion de la Semaine bleu qui débute le 3 octobre, les Petits frères des pauvres publient un rapport détaillé sur la question, et ses liens avec l’isolement des âgés. En parallèle, l’association lance une grande campagne « pour faire tomber les clichés sur les aînés ».
« Mettons-nous à l’écoute de ceux que jadis on n’écoutait pas. Et il n’est d’écoute digne de ce beau nom que celle qui se garde de tout jugement », invite le philosophe Eric Fiat en ouverture du rapport des Petits frères des pauvres.
Car si on parle aussi peu de sexualité au grand âge, c’est aussi parce qu’il n’existe que très peu de données sur le sujet : on n'interroge pas les vieux sur leur vie amoureuse.
« Même si « la France est un des rares pays dans lesquels trois enquêtes nationales sur les comportements sexuels de la population ont été réalisées en quatre décennies » comme l’ont constaté Nathalie Bajos et Michel Bozon, les données de ces enquêtes ne concernent que les personnes de moins de 70 ans », souligne le rapport.
Sa publication permet ainsi de lever le voile sur les réalités de la vie intime des plus âgés. Il livre dix principaux enseignements :
- Plus de 10 millions de Français de 60 ans et plus vivent en couple, avec une vie à deux majoritaire jusqu’au grand âge et qui s’enracine dans la durée ;
- Le sentiment amoureux perdure, quel que soit l’âge : 94 % des personnes âgées déclarent être amoureux de leur conjoint(e) dont 65 % se disent tout à fait amoureux ;
- Pour les aînés, l’essentiel dans le couple, c’est la complicité, le rire et les confidences ;
- Près de 7 millions de personnes âgées vivent seules dont une sur deux depuis au moins 10 ans, une situation qui touche davantage les femmes que les hommes ;
- Pour 71 % des personnes âgées, un corps qui vieillit peut rester désirable et 41 % des 80 ans et plus se trouvent séduisants ;
- Une personne âgée sur deux a des relations intimes et 91 % d’entre elles en sont satisfaites ;
- La pression des enfants, un frein à de nouvelles rencontres et une nouvelle vie intime pour 35 % des personnes âgées qui sont parents, dont 20 % de personnes seules ;
- Les lieux de convivialité sont plébiscités pour faire des rencontres par plus d’un Français âgé sur deux, et particulièrement par les 60-69 ans (68 %) ;
- 84 % des personnes âgées déclarent qu’elles sont à l’aise avec le sujet de la sexualité, mais plus d’une sur deux considèrent que le sujet est tabou pour la société ;
- Un Français âgé sur deux considère que l’on devrait plus parler de la vie intime/sexuelle des personnes âgées.
Des enseignements qui ont servi de base à une dizaine de préconisations des Petits frères des pauvres en direction des citoyens, des pouvoirs publics ou encore des professionnels de santé : faciliter la vie de couple en établissement, intégrer la dimension affective, intime et sexuelle dans la lutte contre l’isolement des personnes âgées ou encore soutenir les lieux de convivialité de proximité.
Mais aussi à élaborer la campagne lancée le 1er octobre, à l’occasion de la journée internationale des personnes âgées.
« C’est prouvé : les stéréotypes négatifs, le regard dévalorisant, voire infantilisant porté sur les personnes âgées impactent leur santé mentale, les stigmatisent et finissent par les isoler. C’est pourquoi, pour notre Association, combattre le fléau de l’isolement des personnes âgées passe aussi par un indispensable changement de regard et de représentations sur la vieillesse », expliquent les Petits frères des pauvres.
Six des principaux enseignements du rapport s’afficheront dans les gares parisiennes, la presse nationale et sur internet.
En complément, la première saison du podcast Même pas mort ! explore les préjugés et les tabous sur l’amour, la vie intime, la sexualité des personnes âgées.
Mais le chemin est encore long, déplore Francis Carrier, fondateur de Greypride : « les réactions à cette campagne montrent à quel point les vieux et vieilles sont asexualisés dans le regard des autres ».