Comprendre les fragilités
Syndrome de Diogène : Paris s’attaque à un trouble plus fréquent qu’on ne le pense
Le 9 juillet, le Conseil de Paris votait à l’unanimité une délibération visant à mieux prendre en charge le syndrome de Diogène. Mais en quoi consiste exactement ce syndrome qui touche avant tout les personnes âgées, et comment y faire face ?
« Notre ville cache parfois des réalités que nous ignorons », a affirmé la présidente du groupe MoDem, Démocrates et Écologistes Maud Gatel au Conseil de Paris le 9 juillet. « C’est le cas avec le syndrome de Diogène, ce trouble complexe, souvent invisible, qui touche plus de nos concitoyens que nous le pensons ».
En effet, les chercheurs estiment sa fréquence à un cas pour 2000 personnes de plus de 60 ans. Même si des personnes plus jeunes peuvent en être atteintes.
Ainsi, près de 250 seniors parisiens seraient concernés, or les services techniques de la Ville n’ont pris en charge « que » 133 situations en 2023.
Par ailleurs, « même s’il n’existe pas d’étude statistique récente recensant le nombre de personnes souffrant de ce syndrome, il apparaît que le phénomène est présent, voire en augmentation, parallèlement au vieillissement de la population », pointe le projet de délibération présenté par le Modem.
Des risques pour la santé et la sécurité
Décrit en 1975 par les gériatres américains Allison N. Clark, Ganesh D. Mankikar et Ian Gray, le syndrome de Diogène désigne un trouble du comportement conduisant à des conditions de vie négligées, voire insalubres
Il se manifeste généralement par une accumulation compulsive d’objets (syllogomanie), souvent associée à une négligence parfois extrême de l'hygiène corporelle et domestique, une situation d’isolement social accru, un déni de la situation et un refus d’aide.
Il est dans la plupart des cas lié à un trouble psychiatrique ou neurocognitif (maladie d’Alzheimer), mais pas toujours : 35 % des personnes atteintes de ce syndrome n’auraient aucune pathologie.
Avec des risques pour la santé de l’habitant (dénutrition, infections, négligence des pathologies chroniques préexistantes…) et pour sa sécurité : les risques d’incendie et d’effondrement des bâtiments sont démultipliés. Sans oublier les nuisances pour le voisinage (odeurs, nuisibles…).
« Cette problématique est donc au carrefour d’enjeux bâtimentaire, sanitaire, médico-social et juridique. Elle touche à la fois la santé, la santé mentale, la question du logement, la salubrité et la sécurité publiques », souligne le projet de délibération.
Une prise en charge difficile et souvent longue
A Paris, des dispositifs spécifiques existent déjà. L’agence régionale de santé et le service technique de l’habitat notamment coopèrent pour prendre en charge les personnes concernées.
Mais cette prise en charge est souvent tardive, suscitée par des plaintes du voisinage.
Aussi, la délibération adoptée par le Conseil de Paris vise à sensibiliser à grande échelle le plus grand nombre pour mieux détecter les situations ; mais aussi à lancer, en collaboration avec l’Agence régionale de santé, une étude générale sur le nombre de personnes porteuses du syndrome de Diogène dans la capitale.
Pour une meilleure prise en charge et un meilleur accompagnement des patients, elle prévoit que les interventions du service technique de l’habitat s’accompagnent d’une prise en charge systématique et sur la durée par les services sociaux et médico-sociaux, afin d’éviter les rechutes.
La délibération plaide aussi pour ouvrir le dispositif Louez solidaire et la remise en état de leur logement aux propriétaires bailleurs aux revenus modestes contraints de prendre à leur charge le désencombrement. En échange, ils devront s’engager à louer leur bien à des personnes modestes.
Ailleurs aussi, c’est avant tout la mairie qu’il convient de contacter si l’on constate qu’un voisin est touché par le syndrome de Diogène : elle pourra mobiliser à la fois les services sociaux et les services d’hygiène pour une prise en charge la plus globale possible.