Connaître vos droits
Surveillance accrue ou environnement inclusif : deux approches face à la désorientation des malades d’Alzheimer
En Normandie, un Ehpad près du Havre a pris la décision d’insérer « une puce électronique dans les chaussures des résidents pour éviter les fugues », peut-on lire dans Paris Normandie. Une solution qui soulève de nombreuses questions, éthiques notamment.
Ces questionnements ne datent pas d’hier. En 2010, la rédaction d’agevillage s’interrogeait déjà sur l’usage de bracelets électroniques, qui visaient entre autres que les personnes malades d’Alzheimer ne « fuguent » (préférons les termes "personnes à risque de se perdre").
Une façon de rassurer les familles et le personnel, et de faciliter la surveillance des résidents « à risques ».
Mais quid de leur liberté d’aller et venir ? La loi dit en effet qu’un Ehpad est tenu d’assurer la sécurité des habitants tout en leur garantissant le respect de la vie privée et la liberté d’aller et venir.
La liberté d’aller et venir peut se définir comme le droit de circuler librement dans un Ehpad à l’intérieur et à l’extérieur.
La sécurité, quant à elle, est une situation de tranquillité dans laquelle se trouve une personne pour laquelle les risques d’atteinte à son intégrité sont identifiés et prévenus.
La loi considère que ces deux droits fondamentaux ont la même valeur et doivent donc être conciliés.
En théorie, ces puces électroniques remplissent ces deux objectifs : les résidents sont libres de circuler comme ils l’entendent, et le personnel sait à tout moment où ils se trouvent.
Car s’il arrive quelque chose à un résident, l’établissement peut être mis en cause en cas de faute dans la surveillance du résident.
Par exemple, dans le cas d’une personne malade d’Alzheimer, connue dès avant son admission pour des antécédents de « tentatives de fugue », qui décède après avoir quitté l’Ehpad, la cour d’appel de Toulouse a estimé que l’établissement était coupable de « grave négligence » : le fait que le résident ait réussi à partir démontrant que les précautions suffisantes n’avaient pas été prises (Toulouse, 3ème Chambre, 1ère section, 26 juin 2007, n°371).
D’autres solutions pour permettre aux résidents de circuler librement
Cependant, le résident, même malade, doit normalement consentir à cette mesure. Jacques Rastoul, président de l’Inter-CVS 91, rappelle aussi que le CVS doit en être informé.
Est-ce toujours possible ? Une enquête menée par France Assos Santé et l’Inter-CVS 59 dans les Hauts-de-France montre par ailleurs que les droits des résidents en matière de liberté de circuler ne sont pas toujours respectés.
Certains résidents qui vivent en unité protégée (pour les personnes désorientées) doivent par exemple signer un document pour pouvoir sortir, ce qu’ils assimilent à une autorisation de sortie. Ils imaginent en conséquence que leur liberté d’aller et venir est limitée au périmètre de l’établissement et de ses extérieurs.
Il existe par ailleurs d’autres moyens de garantir ce droit aux résidents tout en assurant leur sécurité.
Au Québec par exemple, les résidents désorientés de la Maison Carpe Diem de Trois-Rivières peuvent sortir quand ça leur chante : la porte d’entrée n’est pas fermée. Seulement, l’équipe a tout pour donner envie aux habitants de rester, accompagnent ceux qui veulent aller se promener, et si vraiment une personne veut partir seule, elle est suivie de loin. Même philosophie dans les établissements labellisés Humanitude qui organisent l'ouverture sur l'extérieur (les sorties), le respect de la singularité (des choix, des rythmes).
En Belgique, comme à Bruges, ou à Rennes, une autre démarche a été retenue : les commerçants, les policiers ou encore les chauffeurs de bus sont sensibilisés à la maladie et ses conséquences, et à même d’assister une personne malade qui se trouverait perdue ou désorientée.
Une approche inclusive et respectueuse des droits de chacun.
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