Bien vieillir (prendre soin de soi)
Sexualité au grand âge : le label “Grey Pride bienvenue” dans les Ehpad de la Ville de Paris
La sexualité au grand âge reste un tabou tenace malgré les mobilisations d'activistes comme Francis Carrier, président fondateur de Grey Pride et fondateur du Cnav : Conseil national auto-proclamé de la vieillesse. L'auteur du récent livre Vieillir comme je suis. L’invisibilité des vieux LGBTQI+ sillonne la France pour sensibiliser, former les habitants, les proches, les familles, les professionnels des lieux de vie au grand âge. Deux Ehpad de la Ville de Paris viennent de recevoir le label Grey Pride bienvenue et l'adjointe au Maire chargée des seniors et des solidarités entre les générations, Véronique Levieux, a annoncé le déploiement de la démarche dans tous les Ehpad publics de la Ville dans les deux prochaines années.
Pourquoi se lancer dans la démarche Grey Pride bienvenue ?
Les directions des établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont régulièrement interpellées par des professionnels surpris, choqués, voire outrés, dépassés, démunis devant les attitudes, comportements d'habitants qui vivent leur sexualité.
La démarche Grey Pride vient soutenir l'ambition de bientraitance des structures. Elle repose sur des formations des parties prenantes vers une acculturation progressive, douce, lente à l'importance de dépasser la réponse aux besoins primaires (se nourrir, se laver, s'occuper) vers le développement de l'individu jusqu'au bout de sa vie, explique Francis Carrier. "On assiste à un changement culturel : des hospices, des asiles qui fournissaient le gîte, le couvert et occupaient les personnes, nous avançons vers des lieux où l'individu va poursuivre son développement, dans le respect de son intégrité, avec ses projets, ses rêves, sa spiritualité, jusqu'à son dernier souffle."
Ce changement culturel s'installe sur le temps, car les tabous sont tenaces, profonds et dans toutes les têtes, insiste le fondateur de l'association Grey Pride.
Les tabous sont présents chez les personnes qui avancent en âge elles-mêmes au point qu'elles peuvent réprimer leurs désirs, leurs envies, abandonner leur corps, rentrer dans une logique de soumission aux diktats des lieux, des professionnels, des proches, jusqu'à rentrer dans le placard en recachant leur homosexualité. L'expression des besoins (baisers, caresses, masturbation) peut parfois déborder et se réaliser dans des lieux inappropriés, comme en public.
"L'enjeu sera de ne pas considérer ces comportements sexuels comme déviants, pathologiques jusqu'à les réprimer comme on peut encore le vivre dans certaines structures. Il s'agira de les analyser, d'évaluer le consentement des personnes et les orienter vers l'intimité de leur logement" explique Francis Carrier.
Rappelons que leur porte sera sanctuarisée (on n'y entre pas en ayant simplement frappé à la porte sans attendre la réponse au risque de surprendre et d'être surpris), des lits médicalisés de grande largeur (120 cm, 140 cm) seront loués, l'ouverture d'esprit à la sexualité jusqu'au bout de la vie sera travaillée...
Le domicile de chaque habitant sera garanti, l'intégrité de chaque individu respectée. "La personne y affichera comme elle le ferait chez elle les images et affiches de son choix. Elle regardera les films et lira les revues qu'elle apprécie, même porno", poursuit Francis Carrier. Sachant que la démarche Grey Pride est ouverte aux services aux domiciles qui interviennent dans ces huis clos, sans témoin parfois.
Au personnel d'être soutenu dans sa réflexion, son regard, sa posture. Idem pour les proches et les familles !
Le souhait de Francis Carrier est que la démarche se déploie partout sur les territoires et surtout que les pouvoirs publics déclinent maintenant les enseignements sur la sexualité des plus âgés (de la démarche Grey Pride bienvenue notamment) dans toutes formations initiales et continues.