Etre aidant, être aidé
Répit, congé, charte, guichet unique : Aurore Bergé dévoile une nouvelle stratégie de soutien aux aidants
La ministre de l’Autonomie et des Familles Aurore Bergé et Fadila Khattabi, ministre déléguée aux Personnes handicapées, ont dévoilé vendredi, à l’occasion de la journée nationale des aidants, la nouvelle stratégie nationale de mobilisation et de soutien 2023-2027 pour les aidants. Au programme, développement du répit, élargissement du congé de proche aidant, charte d’engagement avec les entreprises et guichet unique pour les aidants. Insuffisant pour les associations, qui regrettent le manque de concertation avec le ministère.
On le sait, les 9 à 11 (voire 15) millions d’aidants font face à d’énormes difficultés, exacerbées depuis la crise sanitaire de 2020.
« La pénurie de professionnels à domicile et en établissement médico-social ne laisse plus d’autre choix aux aidants que d’assumer une part croissante de l’aide et de mettre leur vie entre parenthèses », souligne le Ciaaf (collectif interassociatif des aidants familiaux), qui estiment que les aidants sont aujourd’hui « à bout de souffle ».
La nouvelle stratégie de soutien aux aidants était donc attendue de pied ferme par les associations.
Dévoilée vendredi, elle contient quatre mesures principales.
D’abord, la création de 6 000 nouvelles places de répit, pour atteindre 40 000 places d’ici à 2027. « Nous voulons garantir 15 jours de répit par aidant par an », explique Aurore Bergé.
« C’est bien mal connaître l’aidance », rétorque Corinne Benzekri, la présidente du collectif Je t’aide. « Aujourd’hui, les aidants arrivent à peine à prendre un jour de répit par an, et c’est souvent pour effectuer des tâches administratives ».
Se pose aussi la question du délai de mise en œuvre, souligne Gwénaëlle Thual, présidente de l’Association française des aidants. Il faut compter au moins 18 mois pour que ces places soient installées, et donc accessibles aux aidants.
« Ce type d’annonce crée de la confusion, donne de l’espoir et risque d’aboutir à de la frustration », acquiesce Corinne Benzekri.
Deuxième mesure, la signature d’une charte d’engagement avec les grandes entreprises. Un point positif pour les associations, mais la charte se limite aux parents-aidants : des millions de salariés aidants sont donc laissés de côté.
Par ailleurs, les TPE-PME, qui sont les principaux employeurs de France, ne sont pas concernées, souligne Gwénaëlle Thual. Alors qu’elles se disent en difficulté pour gérer la question de l’aidance, selon une enquête publiée la semaine dernière par l’observatoire BPCE.
Troisièmement, la création d’un guichet unique pour les aidants dans chaque département. Une mesure qui n’est pas nouvelle : il s’agit en effet du Service public départemental de l’autonomie annoncé par la ministre à la rentrée.
Là encore, leur ouverture risque de prendre du temps. Selon le calendrier, dix départements vont les expérimenter à partir de février 2024, pour une généralisation prévue pour 2025. Selon les engagements ministériels, l’ensemble des départements doivent être couverts en 2027.
Enfin, et c’est probablement la mesure la plus en phase avec les attentes des associations, le congé de proche aidant devient « rechargeable », car « on peut être aidant plusieurs fois », rappelle Aurore Bergé.
Ainsi, une personne qui accompagne un de ses enfants en situation de handicap, puis, à un autre moment, un de ses parents en perte d’autonomie, pourra bénéficier plusieurs fois du congé et de l’allocation associée.
Selon le cabinet d’Aurore Bergé, il pourrait aussi être prochainement ouvert à plus d’aidants, notamment aux personnes qui accompagnent un proche dont le taux d'incapacité est inférieur à 80 %.
Aucune date n’a cependant été donnée, ni pour l’élargissement du droit, ni pour sa transformation en droit rechargeable. Un comité technique doit avoir lieu prochainement pour travailler sur les détails de l’annonce.
Cette avancée est toutefois jugée positive par les associations. Elle se rapproche notamment d’une des demandes de l’Association française des aidants, qui souhaite que les droits soient ouverts en fonction de la situation de l’aidant plutôt que celle de l’aidé.
Corinne Benzekri avertit de son côté que le collectif Je t’aide restera vigilant quant à la traduction concrète de la mesure.
D’autant que les associations n’ont pas été consultées quant au contenu de la stratégie, malgré les échanges avec le ministère. « Nous aurions souhaité que cette stratégie soit partagée et co-construite », regrette la présidente du collectif. Surtout que certains points qui auraient dû y figurer, et sur lesquels les associations ont travaillé, en sont absents. Comme l’élargissement de la définition de l’aidant pourtant promise par l’ancien ministre Jean-Christophe Combe lors de la journée nationale 2022.
Une absence de dialogue source de frustration, mais aussi de méconnaissance et d’incompréhension, ajoute-t-elle.
« A chaque fois qu'on nomme un aidant spécifique, on élimine les autres. On n'a pas assez parlé des aidants de personnes malades par exemple. Il faut prendre en compte la multi-aidance, et aussi la réalité quotidienne de certains parents d'enfants handicapés qui sont ou peuvent aussi être aidant de leurs parents âgés, et /ou de leurs conjoints malades. Il faut être dans un décloisonnement de l'accompagnement, avoir une approche interministérielle, car à tous les niveaux de la société, le sujet de l'aidance est de mise. Le sujet doit prendre de l'ampleur. »
De son côté, le collectif demande dans une tribune publiée le 5 octobre dans Politis, et signée par agevillage, de « véritables droits et aides effectives pour les aidantes et les aidants ».
Notamment, des moyens financiers (augmentations des moyens pour les structures, revalorisation des salaires des professionnels et renforcement professionnel), que soient rendus effectifs les droits existants, dont le congé de proche aidant, et qu’ils soient élargis à l’ensemble des aidants.
Une tribune partagée sous la forme d’une pétition, qu’il est possible de signer ici.
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