Connaître vos droits
Que font les vieux de leur argent ?


Les vieux sont-ils riches ? L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) est-elle attribuée sans condition de ressources ? La vie coûte-t-elle plus cher à domicile ou en Ehpad pour une personne en perte d’autonomie ? Une étude et un livre aident à tirer au clair ces questions, et plus généralement toutes celles qui concernent « l’argent et les vieux ».
C’est la loi qui le dit : « l'allocation personnalisée d'autonomie, qui a le caractère d'une prestation en nature, est accordée, sur sa demande, dans les limites de tarifs fixés par voie réglementaire, à toute personne attestant d'une résidence stable et régulière et remplissant les conditions d'âge et de perte d'autonomie, évaluée à l'aide d'une grille nationale, également définies par voie réglementaire » (Code de l’action sociale et des familles, article L232-3).
Les revenus du demandeur ne rentrent donc pas en ligne de compte pour attribuer l’Apa. Sauf que c’est un peu plus compliqué que ça.
L’Apa à domicile ne prend pas la forme d’une somme d’argent, mais d’un plan d’aide : une équipe de professionnels du conseil départemental se rend chez le demandeur pour déterminer de quoi il a besoin pour rester vivre chez lui malgré sa perte d’autonomie.
Il peut s’agir d’aménager le logement, de bénéficier d’un service de portage de repas… mais dans l’immense majorité des cas, ce plan d’aide est composé quasi exclusivement d’heures d’aide à domicile, dont le nombre hebdomadaire dépend du besoin évalué.
L’argent versé au titre de l’Apa a uniquement pour fonction de financer ce plan d’aide. En partie ou en totalité selon les revenus du demandeur.
Ainsi, en 2025, l’Apa financera entièrement le plan d’aide des personnes dont le revenu est inférieur à 919,28 euros par mois, mais seulement 10 % des personnes dont le revenu est supérieur à 3381,82 euros par mois.
Pour les personnes dont le revenu est compris entre ces deux montants, le reste à charge augmente progressivement de 0 à 90 %.
Dans les faits, selon l’Insee, l’Apa finance en moyenne 80 % du coût du maintien à domicile, 20 % restent à la charge du bénéficiaire.
Un mode de calcul qui explique pourquoi les personnes âgées les plus aisées demandent plus tardivement l’aide que les autres, selon la Drees, la direction des statistiques du ministère de la Santé.
« Un moindre recours à l’APA à domicile des retraités les plus aisés pourrait s’expliquer par leur ticket modérateur (c’est-à-dire la part de l’allocation laissée à leur charge) nettement plus élevé que pour les moins aisés – pouvant représenter jusqu’à 90 % du montant total du plan d’aide. À l’inverse, un moindre recours à l’Apa en établissement des retraités les plus modestes pourrait être induit par leur plus grande difficulté à payer le tarif d’hébergement en Ehpad, à moins de recourir à d’autres aides comme l’aide sociale à l’hébergement », peut-on lire dans une étude sur le sujet.
Or l’aide sociale à l’hébergement est récupérable sur succession, c’est-à-dire que sous certaines conditions, elle pourra être déduite d’un héritage éventuel… certaines personnes, qui pourraient y avoir droit, hésitent à la demander pour cette raison.
Plus généralement, l’argent est une question complexe au regard du vieillissement et de la perte d’autonomie qui peut en découler.
Qui interroge les vieilles personnes elles-mêmes. Véronique Fournier, membre fondatrice du Conseil national autoproclamé de la vieillesse (Cnav) et présidente de l’association La vie vieille, vient de publier un ouvrage intitulé L’argent et les vieux.
Pour explorer le sujet, Véronique Fournier et les membres de son association ont fait appel à des économistes, des chercheurs, des élus... afin de mieux comprendre les enjeux économiques, aujourd’hui et demain, et surtout proposer des solutions pour mieux faire face à la perte d’autonomie.
Ils espèrent ainsi peser dans un débat qui les concerne, se disant prêt à contribuer davantage au financement du risque « dépendance », mais seulement si la politique en ce sens est « explicitement fondée sur une logique de justice sociale ». Car si les vieux d’aujourd’hui sont plutôt bien lotis, de fortes inégalités subsistent : « il reste des vieux pauvres et d’autres vivant avec de toutes petites retraites, notamment des femmes seules ».
L’argent et les vieux
Véronique Fournier avec La vie vieille
Michalon
Février 2025
208 pages
18 euros