Trouver son lieu de vie
Pour un droit de visite en Ehpad 7 jours sur 7, 24 heures sur 24
La crise sanitaire du Covid a fait des dégâts douloureux, pointe le rapport Liens entravés, adieux interdits, confié à Laurent Frémont du collectif Tenir la main. Il recommande un droit de visite en Ehpad opposable, inscrit dans la loi, parmi les 15 propositions remises ce 14 novembre à Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des Familles, et Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé.
Il demande aussi que la nation organise un temps à la mémoire des victimes et de leurs proches ainsi que des voies de recours plus claires avec une institution indépendante, un Contrôleur général des lieux de grande vulnérabilité.
Fermer les Ehpad c’est violent et une atteinte intolérable aux droits des citoyens âgés
Le rapport de 150 pages et 15 propositions a demandé sept mois de travail, une centaine d’auditions d'associations de personnes concernées, de familles et de professionnels du secteur médico-social. L'équipe autour de Laurent Frémont a aussi recueilli plusieurs milliers de témoignages sur les traumatismes individuels et collectifs causés par les fermetures des Ehpad.
Pour Laurent Frémont, le rapport met en lumière les violences vécues, ressenties par les habitants des Ehpad (syndromes de glissement), par les proches, par les professionnels aussi.
Aux doubles contraintes (interdictions de visite et de sorties), aux peurs des représailles, aux prises de pouvoir des professionnels, se sont ajoutés les injonctions contradictoires des multiples protocoles annoncés le vendredi soir pour mise en œuvre le lundi matin, les reports flous de responsabilités sur les directions.
"Le devoir mémoriel pour les morts de cette crise reste une demande très forte des associations des victimes, et des acteurs en première ligne", estime Laurent Frémont.
Associations de personnes âgées, de familles mobilisées
La Fnapaef qui a été auditionnée, salue les propositions insistant sur le devoir de mémoire de cette crise douloureuse et rappelle que "les familles aussi vont devoir intégrer que le risque zéro n’existe pas et que donc la liberté élargie d’accès aux Ehpad dans les situations graves et complexes comportent une prise de risque incontournable."
Le Cercle des proches aidants en Ehpad (CPAE) est "ravi de ce rapport important pour les droits de nos proches accueillis en Ehpad. Nous espérons ainsi qu'il n'y aura plus jamais de "OUI... MAIS" pour justifier l'enfermement, la privation de liberté et de lien social des résidents d'Ehpad. Parce que le lien c'est la vie."
Pour le collectif Ehpad 42, "il se sera passé 3 ans et 8 mois, entre le premier confinement et aujourd'hui, pour qu'enfin soit inscrit dans un projet de loi le droit de visite en Ehpad. C'est un long délai. Néanmoins, positivons et réjouissons-nous de cette avancée pour un mieux être des résidents et de leurs familles." Bernadette Ojardias, la co-fondatrice de l'association, salue la nécessité d'une loi pour "plus jamais ça", pour accueillir, recevoir, au micro de France Bleue Loire.
Quant à l'association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), elle préfère que "les établissements soient transformés en domiciles pour sortir de l'infernale logique de l'institution."
D'autant, rappelons-le, que de nombreux établissements sont ouverts et se battent pour le rester, y compris en situations de crise. Cette ouverture 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 est ainsi un des critères du Label Humanitude, 1er label de bientraitance.
Ancrer les repères éthiques trop vite balayés en cas de crise
Citant le philosophe Alain qui prône l’obéissance et la résistance face aux règles, les auteurs du rapport invitent à :
- Affirmer le « droit de visite » 24h sur 24, au
regard des exemples des établissements déjà ouverts (NDLR : comme les
labellisés Humanitude par exemple, cité parmi les auditions page 133).
Cette proposition a été insérée dans la Proposition de loi Bien vieillir en débat à l’Assemblée nationale du 20 au 23 novembre.
Pour que ce droit soit mieux connu, le rapport invite à des temps d’information : les ministres Aurore Bergé et Agnès Firmin Le Bodo parlent d’une journée annuelle quand le rapport préfère une rencontre par semestre, un parrainage/marrainage des nouveaux arrivés, un mode d’emploi de l’Ehpad. - Réussir l’alliance entre proches et institutions.
- Faire vivre la mémoire des souffrances individuelles et collectives par une journée officielle de commémoration notamment.
- Infléchir les pratiques professionnelles, par
des formations à l’éthique appliquée, l’accompagnement professionnel de
la fin de vie (un sujet qui s’invitera dans la PPL Fin de vie selon
Laurent Frémont).
- Aménager des voies de médiation et de recours, par la création d’une structure de type Commission interne des usagers, par un meilleur circuit de la demande et de la réponse institutionnelle, via la création d’une structure indépendante, un Contrôleur général des lieux de grande vulnérabilité.
Ces propositions vont rebondir dans les projets de loi bien vieillir et fin de vie, mais aussi dans la stratégie maltraitance en décembre, précise Laurent Frémont qui souhaite poursuivre sa mission au regard de la force des témoignages qui continuent d'affluer.
Accédez au rapport remis le 14 novembre 2023 sur le droit de visite des proches des personnes accueillies en Ehpad : Liens entravés, adieux interdits, par Laurent Frémont, avec Florence Bourgès, Roger Gil et Julie Micheau