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Connaître vos droits

On a demandé ma mise sous protection juridique (tutelle, curatelle) : que dois-je faire ?

Auteur Rédaction

Temps de lecture 6 min

Date de publication 07/04/2025

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Les réponses de maître Yann-Mickaël Serezo, avocat spécialisé dans la protection juridique des majeurs

Maître Yann-Mickaël Serezo est avocat au Barreau de Paris et consacre sa pratique à la protection juridique des majeurs (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, habilitation familiale, etc.). Il accompagne ses clients à chaque étape de la mesure de protection : ouverture, changement de curateur ou tuteur, passage en habitation familiale et inversement, renouvellement, mainlevée, etc. Il intervient sur toute la France. Dans cet article, il explique les bons gestes, les bonnes pratiques à adopter si l’on fait l’objet d’une demande de mesure de protection.

L’article 425 du Code civil prévoit que toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération de ses facultés mentales ou corporelles peut bénéficier d'une mesure de protection juridique : tutelle, curatelle, sauvegarde de justice ou habilitation familiale.

L’ouverture d’une telle mesure de protection est décidée par le juge des contentieux de la protection statuant en qualité de juge des tutelles, à la suite d’une procédure judiciaire au cours de laquelle la personne à protéger (ou pas) est en principe entendue.

Dans cet article, nous recensons les principales bonnes pratiques permettant à la personne qui fait l’objet de cette procédure de s’assurer que les principes fondamentaux de la matière soient bien respectés, et notamment :
- Le principe de nécessité, selon lequel une mesure de protection ne peut être ouverte que si elle est nécessaire ;
- Le principe de subsidiarité, selon lequel une mesure de protection ne peut être ouverte que si le recours à un régime de protection moins contraignant n’est pas possible (représentation dans le cadre du mariage, procuration notariée, mandat de protection future, etc.) ;
- Le principe de proportionnalité, selon lequel la mesure de protection doit être strictement adaptée au degré d'altération des facultés de la personne ;
- Le principe de la priorité familiale, selon lequel le juge ne nomme en qualité de protecteur un professionnel (appelé « mandataire judiciaire à la protection des majeurs ») que si aucun proche ne peut assumer la mesure de protection.

1. La consultation du dossier au Tribunal

Lorsqu’une personne fait l’objet d’une procédure d’ouverture d’une mesure de protection, il est possible de demander au Tribunal de consulter les pièces du dossier, et notamment la requête (généralement envoyée par un proche) ou le signalement du Procureur de la République (par exemple, à la suite d’une hospitalisation) ainsi que les éléments médicaux (et notamment le certificat médical circonstancié).

L’article 1222-1 du Code de procédure civile dispose en effet que « À tout moment de la procédure, le dossier peut être consulté au greffe de la juridiction (…), sur demande écrite et sans autre restriction que les nécessités du service, par le majeur à protéger ou protégé… ».

Pour la personne qui fait l’objet d’une procédure d’ouverture d’une mesure de protection, la consultation du dossier est importante car elle permet de connaître les raisons de cette procédure et le cas échéant, d’identifier des éléments erronés afin de pouvoir y répondre.

2. La production de pièces probantes

La personne qui fait l’objet d’une procédure d’ouverture d’une mesure de protection peut montrer au juge qu’une mesure de protection n’est pas nécessaire ou qu’une mesure plus légère que celle envisagée est suffisante.

Pour ce faire, la personne peut fournir au juge certaines pièces justificatives.

A – Les pièces relatives au quotidien de la personne

La personne qui fait l’objet d’une procédure d’ouverture d’une mesure de protection peut par exemple produire des pièces prouvant que son quotidien est tout à fait classique et sécurisé : attestation d’assurance habitation, attestation de droits à l’assurance-maladie, attestation de mutuelle, photographies de son logement, etc.

B – Les pièces relatives aux finances de la personne

La personne qui fait l’objet d’une procédure d’ouverture d’une mesure de protection peut également produire des relevés bancaires récents, notamment afin de montrer que sa situation financière est saine, qu’elle n’est pas endettée, qu’elle ne fait pas l’objet d’arnaques, qu’elle n’a pas d’impayés, etc.

C – Les pièces relatives à l’état de santé de la personne

En principe, lorsqu’une procédure d’ouverture d’une mesure de protection est en cours, cela signifie qu’un certificat médical circonstancié (c’est-à-dire un certificat médical d’un médecin inscrit sur une liste du Procureur de la République) indique qu’une mesure de protection est nécessaire.

Or, il peut arriver qu’entre l’envoi de la demande de protection et la convocation à l’audition, la personne se soit rétablie et que ledit certificat médical circonstancié ne reflète donc plus l’état de santé actuel de la personne.

Il peut également arriver que le médecin consulté se soit trompé ou qu’un autre médecin ait un avis différent.

C’est la raison pour laquelle il peut être pertinent de solliciter un autre médecin pour produire un nouveau certificat médical circonstancié plus récent.

Il est aussi possible de produire d’autres pièces médicales : de son médecin traitant, de son psychiatre, de son gériatre, de son neurologue, etc.

3. La communication avec ses proches

La personne qui fait l’objet d’une procédure d’ouverture d’une mesure de protection peut vivre difficilement cet évènement.

En effet, l’ouverture d’une mesure de protection entraîne une restriction ou une privation des libertés de la personne protégée, notamment avec la notion d'« argent de vie » en curatelle renforcée et en tutelle.

Les enjeux d’une telle procédure sont donc très importants, raison pour laquelle il est important de communiquer avec ses proches afin d’être conseillé, épaulé et soutenu.

S'ils le souhaitent, les proches peuvent également attester de la capacité de la personne qui fait l'objet de la procédure à pourvoir seule à ses intérêts, en utilisant le modèle du ministère de la Justice (accessible ici).

4. La consultation d’un professionnel compétent en la matière

De la même manière, la consultation d’un professionnel compétent peut permettre de répondre aux interrogations de la personne qui fait l’objet de la procédure d’ouverture d’une mesure de protection.

Cette personne peut se diriger vers un avocat, par exemple via des dispositifs de consultations gratuites (dans un « point justice », en mairie, auprès d’un barreau, d’une association d’avocats, etc.).

La personne qui fait l’objet de la procédure d’ouverture d’une mesure de protection peut également se diriger vers d’autres acteurs compétents, tels que des associations spécialisées ou des services publics (par exemple, les points d’accès au droit présents dans certains Tribunaux).

5. L’accompagnement et la participation à l’audition devant le juge des tutelles

Conformément à l’article 432 du Code civil, la personne qui fait l’objet d’une procédure d’ouverture d’une mesure de protection peut être accompagnée par un avocat ou, sous réserve de l'accord du juge, par toute autre personne de son choix.

Il ne faut pas se priver de cette possibilité car l’audition devant le juge des tutelles peut se révéler particulièrement stressante, notamment au regard des enjeux, et a fortiori pour une personne qui n’a pas l’habitude de fréquenter les tribunaux ! Il est donc important d’être accompagné par un tiers qui pourra rassurer la personne et le cas échéant, porter sa voix.

Si la personne souhaite être accompagnée par un tiers qui n’est pas avocat, il est préférable que celui-ci en fasse la demande plusieurs jours avant l’audition (en fonction des circonstances, par courrier, par mail ou bien sur place).

Plus largement, il est important de participer activement à l’audition. Il ne faut pas hésiter à indiquer ses préférences, tant s’agissant de la mesure de protection que s’agissant de l’identité du tiers désigné (tuteur, curateur, personne habilité).

Yann-Mickaël Serezo
Avocat en droit des majeurs protégés
Tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, habilitation familiale, etc.
www.serezo-avocat.fr

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