L’art pour prendre soin, contre les maltraitances culturelles : exposition, musées et tribune
Et si l'on mobilisait l’art pour prendre soin ? Et si l'on invitait les artistes à rendre compte des réalités et des possibilités ? Et si l'on brisait l'omerta contre les maltraitances culturelles ? Une exposition, la visite de musées pour stimuler la mémoire et une tribune d'André Fertier nous éclairent.
Cord’âges à Saint-Benoit dans la Vienne : de la pair-aidance à la beauté des liens
Pas si simple de se considérer comme un proche aidant, on est d'abord le conjoint, le compagnon, le parent, l'enfant… ont rappelé ce 2 octobre à Saint-Benoit dans la Vienne Pierre-Marie Chauvière et Bernadette Bobin, fondatrice des Ateliers Cord'âges.
Les proches aidants ne se posent pas de questions : ils font face en cherchant les modes d'emploi, les aides souvent complexes, disséminées… au risque de ne pas prendre soin d'eux et s'épuiser.
Alors « s'écrouler ou rebondir ? », questionnent les ateliers Cord'âges. Ils invitent à pendre soin de soi (massages, échanges entre pairs), à apprendre d'autres manières d'appréhender les maladies (comme ces ateliers théâtre avec Colette Roumanoff, l'approche Carpe Diem), à continuer une activité physique adaptée pour prévenir les chutes, mais pas seulement.
« J'ai pu rebondir grâce aux Ateliers Cord'âges », raconte Pierre-Marie Chauvière, dans « le club des clubs des Z'Aimants notamment ».
Les liens, les échanges, les parcours ont été mis en mots et en images dans une superbe exposition au jardin des Images, au pied de l’ancienne abbaye en plein cœur du bourg de Saint-Benoit dans la Vienne.
Le parcours des personnes malades et leurs proches aidants y sont mis en lumière avec art et poésie. Et la force de ces échanges, de ces liens tissés entre aidants, entre personnes aidées serait même une source positive face aux maladies, commencent à constater les médecins.
Stimuler sa mémoire à travers l’art
En soutien des aidants et de leur proche souffrant d’une maladie neuro-évolutive, l'Agirc-Arrco expérimente une forme de respiration artistique dans un quotidien souvent difficile.
En partenariat avec l’association Artz, cette opération se décline sous 2 formats au choix
- un parcours virtuel de découverte d’oeuvres d’art en groupes, animé par un médiateur culturel.
- des visites-découvertes d’œuvres d’art dans des musées proposées en régions à des binômes aidants-aidés en situation de fragilité, qui ont été identifiés par les professionnels de l’action sociale Agirc-Arrco présents dans les territoires.
« La pratique d'activités, notamment culturelles, a un effet très positif sur la mémoire et les fonctions cognitives, que ce soit pour les personnes souffrant d’une maladie neuro-évolutive en début de stade ou pour leur proche aidant. Ce projet, basé sur des visites en groupes, permet par ailleurs aux participants d'échanger et de tisser des liens avec d'autres personnes, ce qui joue un rôle fondamental en matière de qualité de vie des binômes aidants-aidés », explique Eva Almeida, médecin, directrice du centre de prévention Agirc-Arrco de Clermont-Ferrand.
L’opération sera déployée par cycles de 3 mois entre octobre 2023 et décembre 2024, sur l’ensemble des régions.
Retrouvez l’ensemble du programme en région en cliquant ici
Briser l’omerta sur les maltraitances culturelles pour les personnes vulnérables
André Fertier est essayiste, président de Cemaforre et porte-parole du collectif national Agapé - Droits culturels & Vivre ensemble.
Il a publié le 8 septembre dans l'Observatoire des pratiques culturelles une tribune Briser l'omerta sur les maltraitances culturelles, en écho aux premiers États généraux des maltraitances subies par les personnes âgées et plus largement les personnes en situation de vulnérabilité, à l’initiative du ministère des Solidarités et des Familles.
Il estime en effet que la maltraitance peut aussi être culturelle face aux inactions de l'Etat pour permettre l'accès aux services culturels publics (bibliothèques, médiathèques, musées, théâtres, salles de spectacles, arthothèques…), face aux demandes « à des professionnels paramédicaux et de l’animation sociale, sans aucune formation ni compétence dans le domaine artistique et culturel, d’animer des chorales, des ateliers de musique, d’arts plastiques, de danse, de théâtre ».
Ce qui conduit « de facto à une déchéance de la citoyenneté culturelle de centaines de milliers de personnes vulnérables » dans leurs domiciles ou en établissements d'accueil, estime André Fertier.
Il conclut : « Face à tant de maltraitances culturelles, force est de constater que devient indispensable une refondation en profondeur des politiques influant sur l’effectivité de la citoyenneté culturelle ».
Retrouvez sa tribune du 8 septembre sur l'Observatoire des pratiques culturelles.