La culture face aux clichés sur l’âge : Misericordia (livre) et De 7 à 97 ans (documentaire)

« La vie est une princesse mais le temps est roi » (page 178).

C’est la légèreté, la joie qui irrigue ce livre de Lidia Jorge, prix Transfuge du meilleur roman lusophone 2023.

On suit la vie à l’Hôtel Paradis où vit Dona Alberti, une vieille dame déterminée qui a choisi d'y entrer. Si la nuit l’envahit, si elle préfère les lectures de jolies histoires aux « actualités d’un monde qui ne s’améliore jamais », si les tristesses et douleurs s'enchaînent, la vieille dame ne désarme pas.

« Je ne devrais pas être comme je suis à l’affut, toujours à attendre le beau, le grandiose, le puissant » (page 44).

L'autrice ponctue les chapitres de fulgurances poétiques, qui traduisent avec une grande acuité, une grande sensibilité la vie, les liens avec les humains, avec les professionnels de la maison. Dona Alberti voit bien que le regard de l'ancienne soignante a changé quand elle est devenue directrice.

Rien ne lui échappe : du sentiment d’impuissance de ces directions à leurs lâchetés. Elle sait tisser des liens forts (« strong ») avec de nouveaux soignants venus de loin pour succéder au personnel qui s’épuise à force de remplacer les absents. Certains professionnels sont terriblement efficaces comme cette « Bosch », du nom de cette marque allemande de machines à laver ! D’autres volent, cachent les sonnettes pour les rendre inaccessibles. Mais les liens se créent, jour après jour, notamment avec celles qui font les mêmes choix de vie que la vieille dame.

Le roman documente le difficile lien mère-fille, l'envie d’exercer son pouvoir jusqu'au bout (quitte à ne pas prendre les somnifères qui assomment).

Si Dona Alberti comprend « qu’elle a besoin de quelques chose que personne ne peut donner », elle sait aussi garder en mémoire les traces d’un ange sous les traits du sergent Almeida. « Il contredit les tristes pensées. Mort ennemie : arrête-toi là » (page 61).

Misericordia
Lidia Jorge
Editions Métailié
416 pages - 22,50 euros

Présenté en avant-première le 12 septembre dernier, le documentaire De 7 à 97 ans de Côme Webembe Tuitcheu, en partenariat avec la Mutuelle Générale, suit Anne, Françoise, Huguette, Joseph, Lucien et Sylvie qui continuent d'aimer leurs conjoints, même très malades, leurs amants, leurs enfants, petits-enfants, et leurs amis.

Et si c'était ça la clé du bien vieillir ? s'interroge Hada, jeune aide-soignante en Ehpad.

Le réalisateur a souhaité réaliser un film choral où ce sont surtout les femmes qui aident/aiment.

« Prendre de l'âge, ça fait souvent peur et pourtant, c'est naturel. Avec ce film, j'ai voulu faire la paix avec la vieillesse. Bien sûr, il y a des aspects difficiles, je n'ai pas voulu les cacher d'ailleurs. Mais la vie ne s'arrête pas parce qu'on est vieux », souligne Côme Webembe Tuitcheu.

Un magnifique documentaire qui sera présenté en festival avant de trouver des distributeurs.

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