Bien vieillir (prendre soin de soi)
Face aux risques d’accident de la vie courante, les seniors ne sont pas tous égaux
Chaque année, en France, plus de 10 millions de personnes sont victimes d’un accident de la vie courante, dont près de 2,5 millions de seniors.
Sous cette expression sont regroupés les accidents domestiques (se produisant au domicile ou dans ses abords immédiats), les accidents survenant à l’extérieur du domicile (trottoir, magasin, etc.), les accidents survenant dans les établissements scolaires, les accidents liés à la pratique sportive et les accidents de vacances et de loisirs.
Avec les autres traumatismes (accidents de la route, accidents du travail, agressions, suicides…), les accidents de la vie courante représentent la troisième cause de mortalité en France (après les cancers et les maladies de l’appareil circulatoire et cérébro-vasculaire). Chaque année, ils donnent lieu à plus de 21 000 décès, près de 5 millions de recours aux urgences hospitalières et plus de 500 000 hospitalisations.
Malgré ces chiffres alarmants et les conséquences parfois graves que peuvent avoir les accidents de la vie courante, peu d’études s’y sont intéressées. Or, cette problématique a des enjeux économiques, démographiques et de santé publique très importants, en particulier chez les seniors, la catégorie de la population la plus concernée par les accidents de la vie courante.
Les seniors particulièrement concernés
Les seniors sont de loin la population la plus exposée aux accidents de la vie courante : un sur cinq déclare au moins un accident de la vie courante chaque année, et plus des trois quarts des décès engendrés par les accidents de la vie courante concernent des seniors.
Les chutes constituent plus de la moitié de ces accidents. Elles sont responsables à elles seules de la moitié des décès par accident de la vie courante chez les seniors, soit 8 000 à 9 000 décès chaque année. Pour comparaison, elles tuent chaque année près de 2,5 fois plus que les accidents de la route.
Pour déterminer le profil des personnes âgées les plus exposées aux accidents de la vie courante, la vague 2012 de l’Enquête Santé et Protection Sociale (ESPS) est particulièrement utile. Que nous apprend-elle ?
Âge avancé et difficultés financières exposent aux accidents de la vie courante
Indépendamment de la nature de l’accident (grave, c’est-à-dire nécessitant des soins médicaux, ou pas) ou du lieu de survenue (domestique ou pas), trois facteurs semblent déterminants dans la survenue des accidents de la vie courante : l’état de santé, l’âge et les attitudes à risque (à domicile – monter sur un tabouret, jardiner – ou à l’extérieur – pratiquer des activités sportives ou de loisirs, etc.).
Par ailleurs, les résultats suggèrent que le genre n’influence que marginalement la probabilité d’accident de la vie courante : elle n’est en effet que légèrement plus élevée chez les hommes que chez les femmes.
Lorsque la gravité de l’accident est prise en compte, la plus forte exposition aux accidents de la vie courante concerne les seniors les plus âgés, dont l’état de santé est très dégradé. Cependant, une composante sociale vient se rajouter à ces facteurs : les difficultés financières.
Ainsi, les seniors plus jeunes (entre 65 et 70 ans), prudents et sans problème (de santé ou financier) ont moins de 1 % de chance d’avoir un accident de la vie courante. Inversement, les plus de 85 ans souffrant d’au moins trois maladies chroniques, déclarant des difficultés financières et ayant dans la vie une attitude imprudente ont près de 30 % de risque d’avoir un accident de la vie courante grave (nécessitant des soins médicaux).
La localisation du logement importe également
Ce résultat est confirmé dans le cas d’accidents graves à domicile (à l’intérieur du logement ou dans ses abords immédiats) pour lesquels une nouvelle caractéristique apparaît : la localisation du logement.
Les blessures graves à domicile sont plus probables chez les personnes âgées passant la plupart de leur temps à domicile en raison de leur état de santé dégradé, d’un possible fonctionnement corporel diminué et/ou d’une prise de risque importante (en particulier si le senior occupe un logement avec un étage ou un espace extérieur). Concrètement, près d’une personne sur deux âgée de plus de 85 ans, en mauvais état de santé, imprudente et vivant en zone rurale risque un accident de la vie courante grave à domicile.
Les blessures graves à l’extérieur du domicile lors d’activités de plein air (loisir, sport, etc.) sont principalement associées à un groupe « plus jeune », les 75-79 ans. Probablement parce qu’à cet âge, les individus sont encore capables de sortir seuls.
Enfin, les résultats suggèrent que les accidents de la vie courante, et notamment ceux graves à domicile, ont un impact majeur et immédiat sur la santé de la personne. Par exemple, trois mois après l’accident, l’état de santé des personnes ayant été victimes d’un accident grave de la vie courante est en moyenne encore plus fortement dégradé que l’état de santé de ceux n’ayant pas eu d’accident.
Enjeux de politiques publiques
Les principaux déterminants des accidents de la vie courante se structurent autour de deux dimensions principales. D’une part, les facteurs inéluctables : un âge avancé et un état de santé dégradé.
Mettre en place des mesures orientées vers la réduction des inégalités de santé (qu’elles soient financières, territoriales ou informationnelles), afin de renforcer le processus de vieillissement en bonne santé permettrait de limiter la survenue et la gravité des accidents de la vie courante.
D’autre part, l’exposition aux accidents de la vie courante, en particulier les accidents graves, est fortement renforcée par les comportements à risque. Deux types de mesures préventives pourraient être envisagées dans le cas des seniors : celles encourageant les attitudes prudentes (accompagnement aux activités, sensibilisation, adoption de procédures de sécurité dans l’environnement domestique ou à l’extérieur, etc.) et celles facilitant l’accès et l’utilisation d’outils d’assistance technique (adaptation du logement, utilisation d’objets connectés ou de systèmes domotiques, etc.).
Cet article s’appuie sur les résultats obtenus dans un article scientifique publié dans la revue Bulletin of Economic Research.
Cornel Oros, Professeur des Universités, Université de Poitiers; Greivis Buitrago Gamez, Researcher; Liliane Bonnal, Professeur d'économie et Pascal Favard, Professeur d'économie, Université de Tours IRJI François-Rabelais
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.