Comprendre les fragilités
Confusion lors d’une hospitalisation : un phénomène courant à anticiper


La mère de Gaël a connu un épisode de confusion très impressionnant lors d’une hospitalisation pour une fracture de la hanche. Que s’est-il passé ?
Témoignage
Ma mère a été opérée et hospitalisée suite à une chute. Trois semaines plus tard, elle retombait à l’hôpital où elle était toujours en convalescence en se rendant aux toilettes, et s’est cassé le col du fémur. Elle a été opérée quatre jours plus tard, avec la pose d’une prothèse cette fois.
Je suis allé la voir le lendemain de son opération, elle avait mal, elle était fatiguée, mais rien d’autre à signaler. Tout a commencé la nuit qui a suivi.
D’abord, elle m’a appelé à 4 heures du matin pour me dire qu’elle était seule dans son village natal. J’ai eu beau lui dire qu’elle était à l’hôpital, qu’il fallait qu’elle utilise la sonnette pour appeler quelqu’un, rien à faire. J’ai dû appeler l’hôpital pour qu’une infirmière vienne la voir.
Je ne me suis pas inquiété outre mesure : il nous arrive à tous de nous réveiller confus, après un cauchemar, et de ne pas savoir où on se trouve. Alors avec ce qui venait de lui arriver…
Mais le lendemain matin, j’ai compris qu’il y avait un problème. Elle m’a appelé six fois au téléphone, toutes les dix minutes, sans se souvenir qu’elle venait de m’appeler.
Le jour suivant, soit trois jours après l’intervention chirurgicale, la situation s’est encore dégradée. Elle m’a appelé plusieurs fois, à son réveil vers 7 h, pour me dire qu’un meurtre avait eu lieu à la clinique, qu’elle avait été évacuée dans la rue… Je suis immédiatement allé la voir. J’ai passé la journée avec elle. Elle alternait des phases de lucidité et des phases de confusion, avec des hallucinations visuelles.
Le lundi, c’était pire. Elle a passé la journée à tenir des conversations entières avec des personnes qui n’étaient pas là. Elle me reconnaissait à peine. C’est épuisant nerveusement. Elle ne mangeait plus.
Les hallucinations ont continué encore durant deux jours, s’amenuisant peu à peu. De même, ses propos sont devenus de plus en plus cohérents. Elle a aussi recommencé à s’alimenter.
Aujourd’hui, dix jours après l’opération, elle semble être revenue à son état normal. Mais je suis inquiet quant à la suite : ce genre d’épisode peut-il revenir ? Va-t-elle avoir des séquelles ?
Que s’est-il passé ?
La mère de Gaël a subi un épisode de confusion aiguë : perturbation de la conscience de soi et de son environnement (par exemple le patient ne sait plus qui il est, ne reconnaît pas sa famille) ; troubles cognitifs (troubles de la mémoire, en particulier de la mémoire des faits récents, désorientation temporo-spatiale, discours parfois décousu, voire incohérent) ; trouble de l’attention et troubles psychiatriques (interprétation erronée des perceptions sensorielles, hallucinations).
Il s’agit plus précisément du syndrome confusionnel périopératoire, un phénomène très courant chez les personnes âgées. Jusqu’à 65 % des patients âgés seraient concernés après une chirurgie de la hanche, par exemple.
« Certains patients sont même confus avant d’arriver au bloc », ajoute le professeur Jacques Boddaert, chef du service de gériatrie à la Pitié-Salpêtrière, qui préfère donc parler de confusion péri-opératoire plutôt que postopératoire.
« C’est très déstabilisant, très violent pour les patients et pour les proches lorsqu’ils viennent leur rendre visite », poursuit-il.
Différents facteurs prédisposent certaines personnes à subir ce syndrome :
- des troubles cognitifs avérés ou sous-jacents,
- l’immobilisation, aggravée par une contention physique,
- un déficit sensoriel (visuel ou auditif),
- des comorbidités multiples,
- la dénutrition,
- la polymédication,
- des antécédents de confusion, notamment postopératoire,
- des troubles de l’humeur, en particulier états dépressifs.
Durant l’hospitalisation, il peut ensuite être déclenché par différents événements : le stress de l’hospitalisation, la perte de repères dans un environnement déshumanisé, la douleur, l’anesthésie, la chirurgie, une infection, la déshydratation, la constipation…
La mère de Gaël cumulait plusieurs déclencheurs : la douleur, le stress, les opérations à répétition, l’anémie, la constipation, la prise de morphine depuis plusieurs semaines en plus de ses traitements habituels, et une insuffisance rénale. Par ailleurs, ses appareils auditifs ne fonctionnaient plus depuis des semaines : elle souffrait donc de privation sensorielle.
Dans la plupart des cas, la personne reste confuse quelques jours, puis le syndrome disparaît. La Haute autorité de santé recommande toutefois de procéder à une évaluation cognitive trois mois après.
Par ailleurs, si elle se souvient de cet épisode de confusion, un soutien psychologique est recommandé.
Que faire face à une personne âgée confuse à l’hôpital ?
Les soignants doivent commencer par traiter la cause de la confusion (douleur, déshydratation, etc.) et faire appel à un gériatre pour déterminer précisément ce qui se passe.
Mais aussi aider la personne en adoptant une attitude attentionnée et en lui rendant visite très régulièrement afin de l’aider à maintenir des repères.
Les proches aussi peuvent contribuer à ancrer la personne dans le temps et dans l’espace, en lui rappelant où elle est, pourquoi, la date du jour… et en se montrant positifs et bienveillants, ce qui n’est pas évident quand on découvre son parent totalement confus.
Le professeur Boddaert encourage les médecins, les professionnels de santé à prévenir avant l’hospitalisation les patients et leur entourage que ce type de complication peut survenir.
C'est le cas par exemple au CHU de Lyon qui le mentionne dans un livret distribué aux proches de personnes âgées hospitalisées en urgence.
Prévenir le syndrome confusionnel périopératoire
Si l’hospitalisation est programmée, il peut aussi être utile de stimuler intellectuellement les futurs patients en amont pour booster leur réserve cognitive : plus elle est importante, moins le syndrome, s’il se produit, sera violent.
De même, consulter son médecin traitant pour prévoir si possible une diminution ou un sevrage de certains traitements type benzodiazépine ou hypnotiques qui peuvent aggraver le syndrome.
Enfin, vérifier que son proche boit et mange suffisamment, et va aux toilettes régulièrement ne semble pas superflu, avant et durant l’hospitalisation.