Comprendre les fragilités
Alzheimer : un pacemaker dans le cerveau
Des micro secousses pour contrer l’action des plaques amyloides
Des trous dans la boîte crânienne pour glisser de fines électrodes à des endroits stratégiques du cerveau… C’est la dernière invention des chirurgiens américains pour tenter quelque chose contre l’action des plaques amyloïdes qui recouvrent le cerveau de tous les patients touchés par la maladie d’Alzheimer.
La recherche sur ces “pace makers cérébraux” en est à ses débuts. Mais elle est la conséquence des déceptions engendrées par la recherche médicamenteuse. Une demi douzaine de patients ont accepté de jouer les cobayes, tous américains, tous à un stade de développement précoce de la maladie.
Aucun d’eux ne sait si l’opération sera d’un quelconque bénéfice, mais faute d’espoir ils sont prêts à tout.
Kathy Sanford, 57 ans, a été la première à donner son accord quand les médecins de la faculté de médecine de l’Ohio (Etats-Unis) lui ont expliqué que la stimulation électrique du cerveau pourrait maintenir – peut être – sa mémoire plus longtemps. Kathy vit seule, colle des post it partout à son domicile pour baliser sa vie quotidienne et à du renoncer à son travail. "J’ai accepté parce que c’est tellement difficile de perdre la mémoire” a-t-elle déclaré. Joe Jester, 78, ans, père de Kathy la soutient."Nous n’avons pas le choix. Faut-il la regarder lentement perdre la mémoire ou tenter quelque chose ?”
L’opération a eu lieu voilà plusieurs mois. Elle a duré cinq heures. Ses cheveux ont repoussé et Kathy affirme se sentir bien malgré des picotements dans la tête qu’elle attribue aux électrodes.
Il est trop tôt pour mesurer un quelconque résultat. Les médecins qui suivent Kathy ne se prononceront pas avant deux ans.
“Nous sommes fatigués de nos échecs contre la maladie d’Alzheimer” dit le Dr. Douglas Scharre, neurologue de la faculté de médecine de l’Ohio. Cette technique de stimulation profonde du cerveau ne prétend pas guérir de la maladie d’Alzheimer, mais tente de maintenir un cerveau en activité malgré les attaques subies par les neurones.
La stimulation cérébrale est déjà utilisée contre la maladie de Parkinson et d’autres maladies neurodégénératives. Elle est testée également contre la dépression et l’obésité.
En 2003, des chercheurs canadiens qui testaient cette technique sur un obèse pour réduire son appétit ont eu la surprise de voir la mémoire du patient stimulée. Des centaines de souvenirs enfouis ont resurgi. Mieux encore, les capacités d’apprentissage ont été stimulées. De là à tester la technique contre la maladie d’Alzheimer, il n’y avait qu’un pas.
Les obstacles théoriques ne manquent pas. La maladie d’Alzheimer ne bloque pas seulement la mémoire. Un patient perd sa capacité à accomplir des taches banales de la vie quotidienne. Un cerveau en bonne santé est un cerveau dont les neurones sont interconnectés. La stimulation cérébrale permet elle de reconnecter des neurones entre eux? Conduire une voiture, faire chauffer des oeufs à la coque redeviennent elles des taches possibles?
L’espoir des médecins est que de micro chocs électriques inciteront les neurones non encore touchés par la maladie à demeurer actifs, voir à agir en surmultipliée.
Le Dr. Andres Lozano, neurochirugien au Toronto Western Hospital, a expérimenté la stimulation cérébrale profonde sur six patients. Après un an de stimulation en continu, les scanners ont révélé un surcroit d’activité dans les zones en cours de stimulation. Tout à coup, les neurones ont consommé plus de glucose, l’aliment qui leur permet de fonctionner. “Nous avons été capable de remettre un peu de lumière dans des zones obscurcies” a-t-il expliqué.
L’état d’un patient canadien, implanté depuis quatre ans semble s’être stabilisé. Les médecins hésitent à attribuer cette observation à la seule implantation cérébrale profonde.
Les chercheurs canadiens se sont associés à quatre universités américaines - Johns Hopkins de Baltimore, les universités de Pennsylvanie, Floride et Arizona – pour tester la stimulation cérébrale sur une quarantaine de patients. La moitié auront des électrodes actifs deux semaines après l’opération, l’autre moitié quelques mois plus tard, une manière de vérifier l’effet placebo.
En Ohio, les chirurgiens ont implanté les électrodes sur le lobe frontal dans l’espoir d’améliorer le comportement et l’apprentissage. L’étude inclue 10 participants en plus de Kathy Sanford.
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