Etre aidant, être aidé
Aider jusqu'à l'épuisement fatal ?
Quelle tristesse de découvrir ce fait divers : une femme malade Alzheimer a été assassinée par son conjoint de 79 ans, dans le Val de Marne. Malgré l'amour qu'ils se portaient, l'épuisement de ce conjoint aidant a été fatal.
Les études montrent en effet que les aidants familiaux n'arrivent pas à lâcher prise. La notion de "fardeau", de "charge ressentie" est trop souvent mise en avant sans jamais parler du plaisir de la rencontre, de l'accompagnement. Pour autant deux aidants sur dix ressentent une charge importante, synonyme de fatigue morale ou physique.
La maladie d'Alzheimer aggrave la situation. La désorientation, la confusion du jour et de la nuit, les comportements d'agitation ou d'apathie, épuisent littéralement les proches aidants. L'impact sur leur travail, leur vie quotidienne, leur couple, leur santé est réel.
Malgré les différentes sources d'aides (financières, services à domicile), celles-ci peuvent aussi devenir pesantes : quand on ne parvient pas à bien orchestrer les interventions, quand on ne les comprend pas, quand il faut subir des remplacements de dernière minute, pallier des absences.
Le coût d'accès à ces services (plus de 1000 euros/mois selon France Alzheimer) peut renforcer le repli sur soi du couple aidant-aidé.
De vrais questions politiques comme l'indique l'Association française des aidants familiaux.
A mon avis trois pistes sont à creuser :
- Renforcer la connaissance des aidants sur la maladie. Sans aller jusqu'à devenir un professionnel du soin, il s'agit d'oser admettre qu'il n'est pas naturel d'aider - seul - quelqu'un que l'on ne comprend plus. Le cœur n'a rien à voir à l'affaire. Comprendre l'impact de la maladie sur la vie quotidienne est nécessaire pour apprendre les gestes, les réponses adaptées afin d'apaiser les soins, les relations. N'hésitez pas à participer aux formations gratuites destinées aux aidants familiaux proposées par France Alzheimer, voir aussi notre DVD sur les réponses de l'Humanitude pour savoir comment agir quand le conjoint répète 100 fois la même question, ou quand il ne mange plus...
- Trouver son propre réseau d'aides. Même si la France a encore de grand progrès à faire notamment en terme d'évaluation, de coordination, vous n'êtes pas seul.
Localement il doit exister un CLIC (Centre local d'information et de conseil en gérontologie) voire une MAIA (service destiné aux malades complexes dont la maladie d'Alzheimer) où des professionnels vont écouter, orienter, voire évaluer et coordonner le plan d'aide. L'idée est de se renseigner, de tester différentes réponses possible parmi les différents services à domicile, les accueils de jour, les hébergements temporaires oudéfinitifs. On peut aussi aménager son logement, savoir à quels professionnels de santé s'adresser. De leur côté, les médecins traitants doivent aussi renforcer leur formation et prendre connaissance des solutions au quotidien. Retrouvez tous ces contacts locaux dans l'annuaire d'Agevillage.
- Renforcer l'aide financière pour permettre l'accès aux services professionnels. Le report d'années en années d'un véritable 5e risque venant compenser les situations de handicap quel que soit l'age est selon moi une véritable "non-assistance à personnes en danger", pour les personnes malades, handicapées, âgées mais aussi pour leurs proches.
Certes ce nouveau risque porté par la solidarité nationale va demander des arbitrages budgétaires tendus dans la situation actuelle de notre pays.
Mais peut-on encore collectivement supporter la situation extrême à laquelle est arrivée ce monsieur, devenu le meurtrier de sa femme ?