Etre aidant, être aidé
Nathalie Levy (BFMTV/Europe 1) est une aidante
Les aidants sont des aimants
Les aidants sont des aimants. Cette phrase citée par Nathalie Lévy résume son livre sur son expérience d'aidante/aimante auprès de sa grand-mère Rosine. De l'évidence d'aider à l'injonction plus ou moins consciente ? Jusqu'où aider ? Avec qui ? Comment ?Ce témoignage touche du doigt la beauté d'aider, d'aimer comme ses paradoxes, ses questionnements. L'occasion d'interroger en bonne journaliste tout un chacun sur l'accompagnement du vieillissement dans sa famille. L'occasion aussi d'interroger notre société pas si aidante pour soutenir ces proches aidants/aimants à la veille d'une loi Grand âge - autonomie.
Pourquoi cet héritage d'amour et de culpabilité si lourd à porter (page 36) ?
Alors qu'elle fait partie de la cohorte des 4 millions de citoyens qui aident au quotidien un proche âgé, Nathalie Lévy n'est pas dupe des questionnements induits par son engagement auprès de sa grand-mère adorée.
Sa force, sa tendresse, sa présence l'avaient construite depuis sa plus tendre enfance avec cette devise "Courage au coeur et sac à dos".
Mais aujourd'hui c'est Mamie qui a besoin d'aides quotidiennes. Aussi ce fût une évidence pour les filles et pour cette petite-fille de se couper en quatre à cette fin.
Quitte à affronter les aigreurs de l'aïeule qui ne supporte pas ces infirmités. Quitte à minimiser les situations de crise ou les concurrences plus ou moins conscientes entre filles aidantes.
Elles ont fait le choix de ne jamais "placer" Mamie dans une maison de retraite (NDLR : dommage que la question soit balayée et que le mot "confier" ne soit pas préféré).
Aider et travailler
Jongler avec son emploi du temps, passer les coups de fils professionnels de l'appartement de la grand-mère, avoir des vêtements de rechange dans son sac à dos, organiser les relais des aides à domicile plus ou moins professionnelles ("pas méchantes mais désabusées" alors que "ces métiers devraient être vécus comme une voie d'excellence et non une voie de garage"- page 65)... Nathalie Lévy pose un regard de journaliste sur sa vie, son quotidien, ses difficultés à trouver des solutions.
Elle reconnaît qu'elle peut devenir abjecte avec ses demandes impérieuses : "Mamie doit voir et elle verra coûte que coûte". Elle a du mal avec ces professionnels qui enchaînent des gestes techniques, hygiéniques, impérieux, alors que "la famille veut du dialogue, de la considération, de l'échange et un cadre de vie décent" (page 75). L'auteur insiste sur le relationnel comme préalable absolu à tout soin.
Aider à tout prix ?
"Ce chapelet de femmes qui s'aiment et se soutiennent" (page 97) en arrivent parfois à des "visions différentes du prendre soin, jusque des désaccords, des usures, du stress", voire à une concurrence, une surenchère entre aidants pour guetter la reconnaissance de Mamie.
Malgré sa coquetterie, malgré sa force de caractère, malgré le fait qu'elle lutte pour ses proches, on suit l'aggravation de l'état de santé de la grand-mère. Ses peurs, ses craintes d'un abandon, sa lassitude sont insupportables pour ces aidantes si dévouées. "Tu n'as pas le droit de nous parler comme ça" éclate Nathalie Lévy, immédiatement prise de remords, toute en se questionnant sur le bien-fondé de cette aide, jusqu'à envier ceux de la famille qui ont pris du champ. Cette grand-mère qui a voulu le bien-être de ses filles devient aujourd'hui une entrave. Que de contradictions à affronter !
Vieillir entouré et éternel
Le livre témoigne de la force de la parole pour dépassionner, pour désamorcer les bombes (page 107) comme cette peur viscérale de la perte de cet être cher, ce ciment qui soude la famille. Si l'engagement sans faille de ces aidantes est accepté et soutenu par les conjoints, il témoigne de l'importance des conseils de familles (NDLR: voire de la médiation familiale ciblée en gérontologie).
Nathalie Lévy se demande si un "plan aidant", quel qu'il soit, ne serait qu'une utopie, impossible à satisfaire étant donné la difficulté pour les proches de laisser leur place d'aidant/aimant. Car l'enjeu reste d'éviter de partir entouré d'inconnus, c'est-à-dire seul, conclut l'auteure. Elle invite à questionner ces liens, intergénérationnels. Chacun ayant (ou non) la chance d'avoir une grand-mère éternelle dans son coeur.
Courage au coeur et sac à dos - parution le 23 septembre 2020
Prendre soin de ses aînés
Nathalie Lévy
Editions du Rocher
187 pages - 17,90 euros
Sur le même sujet
Actualité
Aidant au quotidien
Enquête : les anciens aidants appelés à témoigner jusqu’au 31 décembre
Outils et fiches pratiques
Aidant au quotidien
« Je suis la seule à m’occuper de ma mère ! » : conseil pour impliquer le reste de la famille
Outils et fiches pratiques
Aidant au quotidien