Comprendre les fragilités
Pascale Clark raconte l'accompagnement de sa maman malade
Des soutiens réciproques
La mère et la fille se soutenaient mutuellement depuis toujours. En écho des souffrances de l'une comme de l'autre. Au point que la voix de la maman s'est tue quand Pascalle Clark, célèbre journaliste et animatrice radio/TV a été privée d'antenne.
Muette, Pascale Clark n'en garde pas moins sa plume alerte et acérée. Elle partage dans ce joli récit son amour, sa reconnaissance pour sa mère chérie, en écho à son amour pour son métier et de l'amertume pour son univers professionnel.
Aider, s'entre-aider au quotidien
La maman porte son histoire avec un courage et une dignité qui impressionnent son entourage. Petite fille juive, séparée des siens pendant la guerre, elle a été éprise de liberté même si aujourd'hui octogénaire, son corps ne suit plus et que sa vie se termine dans un lit à barreaux.
Une terrible trahison à l'âge adulte l'a fait chuter, et depuis ce sont ses filles qui prennent soin d'elle. Sans jamais devenir le parent de leur parent (p. 153).
Car chaque samedi après-midi, Pascale vient se blottir contre sa maman, dans son lit, même médicalisé. L'une soutient l'autre sans relâche, quoiqu'il arrive. L'auteur finit même pas détester son téléphone "telle une grenade qui peut dégoupiller de sa mauvaise nouvelle".
La vraie vie des aidants
Le regard acéré de la journaliste sait pointer la charge mentale des proches aidants : gérer l'administratif, les factures, planifier le planning des auxilaires de vie impeccables, faire les courses (dont la teinture pour les cheveux), renouveller les ordonnances, la location du lit médicalisé, faire face à une hospitalisation avec "ces regards affolés qui éclatent le coeur" (p. 160), embrasser, rassurer, trouver les mots doux, discuter un retour compliqué à domicile avec des équipes médicales jugées "dévouées mais dans un champ de ruines."
Quant aux Ehpad (Etablissement pour personnes âgées dépendantes), ils sont tellement mal perçus, que "promis, tu n'iras pas"...
Difficile d'anticiper
"Ca finit quand une fin de vie ? Pas pressée de pas savoir !" cingle l'auteur. Touchante, elle partage son "refus d'anticiper le jour où ça arriverait" (p.246), "combien d'anniversaires encore ? Question comme un coup de couteau".
Il faudra alors traverser le parcours du combattant de l'accompagnement de fins de vie douloureuses (comme se procurer de la morphine et des seringues adaptées). Il faudra affronter les décisions finales : "ça suffit ces humains qui partent en fumée..."
Mais non, vraiment non, malgré la maladie, malgré les souffrances, la mort ne délivre pas : ça n'est pas "mieux comme ça".
"Ta mort ne m'a pas tuée mais elle ne l'a pas rendue plus forte" semble conclure Pascale Clark.
L'auteur n'a plus près d'elle l'oreille attentive qui savait donner des conseils petits et grands pour savoir se comporter face à la vie.
Mais tant que l'on pense aux morts, ils ne le sont pas.
Mute
Pascale Clark
Editions Flammarion
224 pages - 18 euros