Comprendre les fragilités
Les traitements autour de la fin de vie à nouveau en débat
Inégalités d’accès à la sédation profonde et continue
La mise en examen de deux médecins normands en novembre 2019 a relancé le débat sur la fin de vie : alors que les personnes hospitalisées en soins palliatifs peuvent bénéficier d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès, comme l’autorise la loi Léonetti-Claeys de février 2016, ce n’est pas le cas des personnes qui vivent leur fin de vie à domicile. Explications.
Fin novembre, le Dr Jean Méheut-Ferron, médecin généraliste à Angerville-la-Martel, a été mis en examen avec son épouse.
Celle-ci, anesthésiste-réanimatrice dans une clinique, lui avait fourni du midazolam (Hypnovel), la molécule de référence dans les services de soins palliatifs, et réservée aux établissements de santé.
Il en avait ensuite administré à cinq de ses patients âgés en situation palliative, décédés depuis.
Interpellée par une association de médecins en décembre puis à l’Assemblée nationale le 9 janvier, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a annoncé un plan pour développer les soins palliatifs à domicile.
Afin, notamment, d’« encadrer, sécuriser et garantir l’accès des patients en ambulatoire, aux spécialités hors AMM (Autorisation de mise sur le marché) utilisées par la sédation profonde et continue ».
Le midazolam est en effet un puissant sédatif hypnotique, et « pas un médicament euthanasique » a rappelé le Pr. Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique et signataire d’une tribune parue dans Le Monde le 15 janvier.
Reste que l’affaire a relancé le débat sur l’euthanasie en France, renforcé par la publication par Brut d’une interview de la youtubeuse Marion Bril racontant l’agonie de sa mère et son incompréhension face à l'interdiction du suicide assisté.
Un récit particulièrement difficile, qui a suscité 3612 commentaires et été visionné plus de 3 millions de fois depuis sa mise en ligne il y a un mois tout juste.
Faut-il autoriser l'euthanasie ?
C'est le titre du livre du Pr Emmanuel Hirsch, aux éditions Pour les nuls (collection Ca fait débat). Découpé en chapitres courts, éclairés de citations, de références juridiques et d'appels à méditer, l'ouvrage rappelle que quatre lois ont déjà été votée depuis 1999 sur la fin de vie, le respect des volontés, des droits des malades, jusqu'à la sédation profonde et continue jusqu'au décès.
Ces textes gagneraient à être connus avant d'en envisager encore d'autres. Même chose pour les services de soins palliatifs, les équipes mobiles, trop peu développés, connus et reconnus des professionnels de santé, des citoyens et des élus.
Emmanuel Hirsch invite à penser les remparts de sollicitude, de non-abandon, les remparts face à l'acharnement thérapeutique, aux interprétations abusives et incontrôlables, aux prises de pouvoirs du corps médical, avec le soutien de démarches comme la désignation d'une personne de confiance et la rédaction des directives anticipées.
Ces conditions du mourir, ces responsabilités politiques auprès de celui qui va mourir sont des enjeux tels "qu'aucune loi, aussi libérale soit-elle, ne saurait nous permettre de surmonter les dilemmes redoutés de notre confrontation personnelle à l'expérience intime et ultime d'une fin de vie ! Il est désormais important de solliciter notre intelligence collective afin de repenser nos responsabilités auprès de celui qui va mourir autrement qu'en termes de loi".
"Il ne s'agit pas tant de légiférer sur l'euthanasie que de penser ensemble l'environnement humain et social favorable à une fin de vie digne, respectueuse des préférences et des droits de chacun, attentive à éviter les discriminations et donc inspirée des valeurs à notre démocratie".
Version papier de l'ouvrage : 8,95 euros
La fin de vie, la mort, debout jusqu'au bout
Ces sujets inspirent aussi le médiatique médecin urgentiste, auteur, Patrick Pelloux. Suite des agonies célèbres, il publie un nouvel opus sur les derniers jours des grands hommes sous le titre Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux inspiré de son ami Charb de Charlie Hebdo qui conclut le livre.
La mort a disparu de nos vies, de nos villes. Elle ne s'y impose que par effraction ou est reléguée dans des lieux dédiés (l'hôpital, les maisons de retraite).
L'auteur nous raconte dans le détail les trajectoires, les choix, les joies, les ivresses, les emprises, les maladies, l'hygiène, les conditions de vie, les violences, les réalités sociales qui limitaient l'espérance de vie jusqu'à peu.
Patrick Pelloux nous décrit la fin d'une vie, il nous met sous les yeux une agonie.
En écho il raconte aussi la vie, la condition humaine, la philosophie que chacun se fait, la poésie, l'art, les valeurs humanistes, républicaines, l'amour, l'attention à l'autre, les rires, les fous rires, la chance et aussi la malchance, l'horreur qui peuvent s'abattre à tout moment.
Après la mort de Jésus dans le premier tome, voici donc celles de Mahomet, de Charles VIII, François Ier, Henri II, Marie-Antoinette, Napoléon, Louis XVIII, les morts de la Commune de Paris, la mort de Vincent Van Gogh, Sitting Bull, Paul Verlaine, Felix Faure (en pleine action), Yves-Marie Le Guilvinec, Jean Jaurès, Claude Debussy, Frida Kahlo (artiste polytraumatisée), Billie Holliday (et ses drogues), André Bourvil (comédien et son crabe), Pier Paolo Pasolini (supplicié), Louis de Funès (au coeur stressé) et Charb à 47 ans... qui continue d'accompagner l'auteur qui conclut "On ne lâche rien" sur la défense des valeurs républicaines.
Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux
Les derniers jours des grands hommes
Patrick Pelloux
Edition Robert Laffont
Présentation du livre en images
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