Comprendre les fragilités
J'y pense et puis j'oublie, d'Annie-Claude Nakau (témoignage sur le syndrome de Benson)
Touchée très jeune par une variante atypique de la maladie d’Alzheimer, le syndrome de Benson, Annie-Claude Nakau livre dans cet ouvrage un témoignage dense et lucide sur sa vie avec la maladie. Les capacités qui diminuent, le sentiment d’enfermement qui augmente à l’aune de la sollicitude de ses proches, l’errance médicale aussi. Un ouvrage fort, admirablement bien écrit, indispensable.
Mariée à un Japonais, Annie-Claude Nakau vit depuis quelques temps à Tokyo quand un phénomène étrange se produit : les kanji, ces idéogrammes qu’elle apprend avec assiduité, se dérobent sous ses yeux.
Pendant des années, alors que sa vision s’altère petit à petit, que certaines couleurs disparaissent, que les lettres et les chiffres s’effacent, les médecins refusent de la croire. Vos yeux n’ont aucun problème Madame, s’entend-elle répéter à chaque examen, à chaque consultation.
« Ma vie a fini, insensiblement, par se dérouler dans l’antichambre de celle des autres. J’attendais, au milieu des chuchotements des salles d’attentes, d’être autorisée à rentrer à nouveau dans le cercle (…). Je rêvais d’être étiquetée mais les médecins ne décelaient rien. »
Et pourtant, quinze ans après l’apparition des premiers signes, le diagnostic tombe enfin : Annie-Claude souffre du syndrome de Benson, une maladie rare, mal connue.
Si le diagnostic est un soulagement, il marque aussi une nouvelle période dans la vie de la malade. De nouveaux examens, la mise en place d’aides, un nouveau regard de la part de ses proches, aussi, que l’auteur devra bien finir par accepter.
« Refuser qu’on m’aide reste pour moi une manière d’exister », écrit-elle ainsi.
Puis, un peu plus loin, alors qu’une présence est devenue nécessaire car son époux voyage souvent pour son travail :
« On me parle de deux ou trois personnes, « un contact léger, pour voir comment ça se passe », qui pourraient m’aider et m’accompagner dans mes sorties, si je le souhaite, bien sûr. Ces précautions oratoires me paraissent suspectes. Je résiste. Je suis au centre de décisions qui ont déjà été prises sans moi. Il me semble que je n’ai pas le choix. »
Alors qu’il lui est devenu impossible de lire ou d’écrire, parfois difficile de parler ou de se remémorer certains souvenirs, Annie-Claude Nakau entreprend de livrer ce témoignage, avec l’aide de Marie Bernard, qui travaille pour France Alzheimer 31.
Son récit s’achève quand son époux prend enfin sa retraite. Il nous aura permis d’apercevoir le quotidien, le ressenti des personnes malades, et de vivre, le temps du livre, la maladie de l’intérieur.
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