Comprendre les fragilités
épidémies révélatrices
Rôle des proches, des familles
L'hiver est là et bien là. Au grand froid dont il faut savoir se protéger s'ajoutent les épidémies : grippe, gastro-entérite...
Les plus âgés fragilisés font partie des personnes à haut risque tout comme leurs proches aidants et les professionnels qui prennent soin d'eux.
Déjà en 2015, 16 000 personnes âgées étaient décédées de la grippe particulièrement sévère cette année là, "soit plus de décès que lors de la canicule de 2003", souligne l'association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), qui estime que notre société ne parvient pas à combler son retard dans l'aide aux plus âgés.
Les treize décès brutaux dans un Ehpad privé de Lyon mettent en lumière cette forme d'hécatombe, plus silencieuse dans les domiciles. En maison de retraite le choc est rude. D'autant que les proches estiment que leur parent va être bien pris en soin, notamment quand la facture est élevée. Ce qui reste difficile à comprendre c'est que les tarifs soins sont indépendants des tarifs hébergement. Un Ehpad cher pourra être peu doté en personnel soignant. Mais son image, son professionnalisme le mobilisera pour répondre au mieux aux attentes individuelles et aux exigences réglementaires. A lyon, les services d'hygiène des autorités de tutelle ont validé les choix des équipes. Une inspection de l'IGAS diligentée par la ministre de la Santé donnera son rapport sous peu.
Ces épidémies révèlent aussi la nécessité de renforcer la prévention. Certes la fragilité s'installe avec l'âge mais on peut toujours tenter de renforcer son immunité. S'hydrater, bien manger et surtout bouger, marcher, continuer de mobiliser ses muscles, source d'énergie, en lien étroit avec les défenses immunitaires. Sans oublier les règles d'hygiène des mains et l'aération du logement. Pour les personnes très fragilisées, vulnérables : cela demande un plan d'aide renforcé avec des professionnels compétents, formés, coordonnés, évalués.
La vaccination fait partie de ces actions de prévention. Selon le ministère de la Santé le vaccin annuel réduit le risque de décès de plus de 35 % chez les plus de 65 ans. Cette vaccination n'est pas obligatoire. C'est une décision personnelle. Elle demande beaucoup de temps d'explications, d'argumentations auprès des personnes âgées et de leurs proches. Il leur faut aussi beaucoup de temps, aux professionnels de santé des Ehpad notamment, pour récupérer les "bon vaccination anti-grippale" que l'Assurance maladie adresse aux plus de 65 ans (ils n'arrivent parfois pas aux résidents car ils n'ont pas encore rélaisé leur changement d'adresse). Sans parler des négociations entre le médecin traitant prescripteur et le médecin coordonnateur de l'Ehpad. Tout ce temps n'est aujourd'hui pas financé dans le forfait soin des Ehpad. Et puis cette vaccination n'est pas infaillible : six résidents décédés à Lyon étaient vaccinés.
Ces épidémies révèlent le besoin d'aides quotidiennes et d'actions coordonnées entre les professionels et les proches pour éviter les contaminations (hygiène des mains, utilisation des solutions hydroalcooliques, port d'un masque si besoin). Quand la crise sanitaire amène les structures à confiner les personnes âgées dans leur chambre, comment les aider à maintenir des liens avec l'extérieur, avec leurs proches ? Certes via le téléphone, les SMS, les échanges en visiophonie (type Skype). Ils peuvent apporter de vraies aides : je pense à ces robots de téléprésence qui permettent de maintenir un lien fort entre des enfants hospitalisés et leurs proches à la maison (voir Vik-e à Lyon).
Mais à tous les âges, il nous faut des contacts, des regards, des relations. Difficile de garder le goût de vivre quand on est juste "un problème de santé", sans soutiens, sans chaleur humaine autour de soi.
Il faut donc des personnes autour des plus fragilisés. Il faut donc mobiliser toutes les énergies (professionnelles, familiales, citoyennes) mais aussi des financements associés.
C'est un enjeu de société. Qui devrait s'imposer dans la prochaine campagne présidentielle. Un projet d'une société véritablement adaptée à son vieillissement montrerait tout ce que l'on a à y gagner : en tranquilité d'esprit, en confiance en l'avenir, en emplois de proximité porteurs de sens, en innovations, technologiques ou non.
Ne pas investir dans ces aides humaines coûte aussi : en épuisement des proches, des professionnels, en hospitalisations évitables, en sur-consommation médicamenteuse... et en perte de nos repères républicains : quelle liberté, quelle égalité, quelle fraternité pour les plus âgés fragilisés, malades ?
Cette épidémie de grippe est révélatrice du chemin qu'il nous reste à parcourir pour déployer une société pour tous les âges.
Une société où l'on pourra aussi mourir d'une grippe.
Mais bien accompagné... jusqu'au bout.