Bien vieillir (prendre soin de soi)
Pas de nouveaux crédits, quel impact sur la qualité du prendre soin ?
L’Etat estime que la crise économique, l’endettement endémique et la lenteur des réformes (fusions des régions, départements…) vont empêcher de dégager des moyens vers le secteur de l’aide à l’autonomie des plus âgés.
« Le dire est déjà un plus » selon le président de l’AD-PA, Pascal Champvert qui ajoute. «On ne peut exiger plus de qualité de service avec moins de moyens ».
Alors la question ne se pose plus : l’impact de ces enveloppes stagnantes de crédits aura des conséquences mécaniques pour les plus fragiles :
- Encore moins de temps d’évaluation des situations des personnes, de coordination du plan d’aides
- Moins d’aides à domicile
- Moins de temps de professionnels formés et compétents auprès des plus malades
- Un reste à charge encore plus lourd si l’on veut être aidé à la maison, en maison médicalisée et même à l'hôpital
- …
Qu'on se le dise, les formateurs Humanitude nous relatent que dans certains établissements, les aides-soignantes doivent accompagner jusque seize personnes par jour à la toilette au lieu de 8 comme le voudrait le respect des référentiels éthique, de qualité et des conditions de travail des équipes.
Que faire ?
"Il faut réhabiliter l’impôt pour financer les services collectifs", estime Pascal Champvert. Mais nos élus qui aimeraient être réélus s'y opposent. Alors quelles ressources mobiliser pour payer les services ? Les retraites, les assurances, le patrimoine (loué, vendu, en viager...), le soutien des enfants, des petits-enfants ?
Eviter, retarder, prévenir la perte d'autonomie est une idée qui fait son chemin (voir notre documetaire Age comme Agir) : rester actif (30 minutes de marche par jour au minimum), adapter son logement pour éviter les chutes, choisir un autre logement plus adapté, rester connecter, maintenir une vie sociale, bien se nourrir, préserver sa santé... L'académie de médecine alerte sur la nécessité urgente de la prévention de la fragilité.
Et pourquoi les recommandations connues ne font que s'accumuler dans de nombreux rapports (HCCAM, cour des comptes…) :
- Que les services ne travaillent plus chacun dans leur coin (domicile versus hôpital versus médecine de ville versus EHPAD) mais en filière identifiée, labélisée (cf. parcours de santé des personnes : Paerpa).
- Partager un unique référentiel d’évaluation de la situation de la personne, au sein d’un système d’information informatisé (en lien avec le DMP relancé), en misant sur les capacités restantes des personnes et non uniquement leurs maladies, leurs handicaps et incapacités. (Voir cette semaine le guide de la consultation gériatrique).
- Former les professionnels à la gériatrie, à la gérontologie, aux approches non médicamenteuses efficaces pour déployer des actions de prévention, savoir évaluer régulièrement, définir des plans d’aide et savoir prendre soin tout en douceur avec la personne et ses proches.
- Evaluer, labelliser et financer les services et établissements sur la qualité de leur prendre soin, leur coopération avec les forces locales (équipes citoyennes Monalisa : Mobilisation nationale de lutte contre l’isolement de la société), leur réflexion éthique permanente. Faut-il rappeler la logique financière actuelle de "prime à la grabatisation" ?
Ces absences de réalisations serviront de matière aux ethnologues du XXIIème siècle pour savoir comment on a manqué de (bien) traiter les vieux au XXIème.
A moins que d'ici là, les babyboomers actuellement aidants ne piquent un coup de sang post soixante-huitard. Peut être, mais pas sur, car l'âgisme reste actif !
En attendant des établissements et services se battent, ne baissent pas les bras et mobilisent leurs équipes. Certains obtiennent des prix (Culture et Hôpital, Trophées du Grand Age), d'autres avancent vers le label Humanitude notamment.
Sans reconnaissance, sans soutien des pouvoirs publics, sans moyens... là aussi, il ne faudrait pas trop tirer sur la corde, car le militantisme a ses limites.