Les personnes âgées atteintes d'un cancer sont-elles victimes d'âgisme ?
Une diatribe du Pr Lawler contre les préjugés des médecins spécialistes du cancer
"Dans le monde entier, les personnes âgées se voient refuser un accès correct aux soins contre le cancer", affirme le professeur britannique Mark Lawler du Centre pour la recherche sur le Cancer et de la biologie cellulaire.
Dans un éditorial publié par le British Medical Journal (BMJ), le professeur Lawlerde Queens University à Belfast (Irlande) affirme : "il y a des preuves croissantes partout dans le monde que les patients âgés sont « sous-traités », ce qui conduit à un « écart de survie » avec les patients plus jeunes".
"Nous avons besoin d'un changement fondamental dans la politique du cancer concernant le patient âgé. Nos pratiques actuelles sont essentiellement âgistes, c'est-à-dire qu’elles résultent de jugements fondés sur l’âge du patient plutôt que sur leurs capacités à intégrer un essai clinique ou à recevoir un traitement potentiellement curatif. Il est décevant que des règles différentes soient appliquées à la demande de soin des patients âgés, et que ces différences conduisent à des résultats moins bons. »
Cet éditorial, intitulé "l'âgisme dans le traitement du cancer", rappelle les positions de l'Organisation européenne pour la recherche et le traitement du Cancer, de l'Alliance pour des essais cliniques en oncologie et de la société internationale d'oncologie gériatrique qui recommandent que les essais cliniques de nouvelles molécules soient menés sans limite d'âge.
Les femmes âgées porteuses d’une forme particulière de cancer du sein (« triple négatif ») recevraient ainsi moins de chimiothérapie que les patientes plus jeunes - malgré les preuves de l'efficacité du traitement dans cette cohorte de patients.
Plus de 70 pour cent des décès dus au cancer de la prostate surviennent chez les hommes âgés de plus de 75 ans, qui ont habituellement une maladie plus agressive. Peu de patients âgés se voient prescrire un traitement pour cancer de la prostate localisé, et dans la plupart des cas, ils n'ont pas accès à la chimiothérapie pour les stades avancés de la maladie.
« Le cancer colorectal est une autre maladie des personnes âgées, mais là encore, la preuve indique que le traitement optimal n'est pas accordé à cette cohorte de patients », ajoute le professeur Lawler.
Le Benchmarking International Cancer qui compare les résultats cliniques d’études menées en Australie, Canada, Danemark, Angleterre, Irlande du Nord, Norvège, Suède et Pays de Galles – révèle une diminution de survie des patients âgés de plus de 65 ans. Une étude EUROCARE 5 a confirmé cette tendance, ce qui laisse supposer que l'écart de survie s'élargit entre les patients plus âgés et plus jeunes en Europe.
Les pièces justificatives fournies soulignent le « besoin urgent » d'une stratégie « oncogériatrique » afin d'optimiser le traitement réservé aux patients âgés.
En France, le Plan cancer 2009-2013 consacrait une attention particulière à l'oncogériatrie et prévoyait d’augmenter l'inclusion des personnes de plus de 75 ans dans les essais cliniques.
Trois centres spécialisés en oncogériatrie existent en Île-de-France, où une action coordonnée entre gériatres et oncologues est organisée.