Assurance dépendance : comment expliquer la faiblesse du marché ?
L’Irdes a passé en revue la littérature sur le sujet et propose plusieurs niveaux d’explication
Faible attractivité de l’offre, nombreuses réticences de la demande sont les principales caractéristiques du marché français de l’assurance dépendance.
« Comment expliquer la faible disposition des individus à se couvrir face au risque dépendance ? » demande l’Irdes (Institut de recherche sur la santé) qui a passé en revue en juillet 2013, l’ensemble de la littérature économique sur le sujet.
Cet examen de la littérature économique propose une synthèse des freins à la souscription volontaire d’une assurance dépendance. Les premiers renvoient au manque d’attractivité de l’offre d’assurance qui propose des garanties partielles à un prix relativement élevé. Les seconds renvoient directement aux caractéristiques de la demande d’assurance et à la manière dont les individus appréhendent le risque dépendance.
Cet examen de la littérature économique propose une synthèse des freins à la souscription volontaire d’une assurance dépendance. Les premiers renvoient au manque d’attractivité de l’offre d’assurance qui propose des garanties partielles à un prix relativement élevé. Les seconds renvoient directement aux caractéristiques de la demande d’assurance et à la manière dont les individus appréhendent le risque dépendance.
Evalué à 24 milliards d’euros en 2010, soit 1,4 % du PIB français, l’effort public en faveur des personnes âgées dépendantes représentait entre 68 et 77 % du coût financier global de la prise en charge des personnes âgées dépendantes (Fragonard, 2011). Au niveau national, cela conduit à un reste à charge global estimé à 10 milliards d’euros.
Paradoxalement, le recours à une assurance dépendance est relativement peu fréquent au regard du risque financier induit par l’entrée en dépendance. En 2010, selon la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), 5,5 millions d’individus détenaient une couverture dépendance par le biais d’une société d’assurance, d’une mutuelle (généralement via une garantie associée à une complémentaire santé) ou d’une institution de prévoyance. Cependant, moins de 2 millions d’entre eux pouvaient être considérés comme réellement couverts à long terme, car pour une majorité d’assurés la couverture est annuelle et l’indemnité relativement modeste.
Toujours d’après la FFSA, les prestations versées en 2010 aux personnes âgées dépendantes représentaient près de 166 millions d’euros, somme négligeable au regard du reste à charge total de 10 milliards d’euros.
Pour expliquer ce décalage entre l'importance du risque et sa faible couverture, l’Irdes a d’abord étudié les caractéristiques de l’offre.
- Une première famille de produits - offertes par les mutuelles - propose une couverture annuelle révisable. La garantie dépendance est une garantie accessoire d’un contrat complémentaire santé et couvre uniquement l’année en cours, le contenu de la garantie pouvant chaque année être remis en cause par l’assureur. La rente versée en cas de dépendance est relativement modeste : 120 euros par mois en moyenne pour une dépendance lourde (GIR 1 ou GIR 2) et 500 euros par an pour les personnes restant à domicile.
- Une deuxième famille de produits propose des couvertures viagères offrant des garanties jusqu’au décès de l’assuré. 1,1 million d’individus versent une cotisation mensuelle à un assureur qui s’engage à verser en cas de dépendance, et ce jusqu’au décès de l’assuré, une rente d’un montant prédéterminé. D’après la FFSA, la cotisation moyenne s’établissait en 2011 à 30 euros par mois tandis que la rente moyenne versée aux personnes dépendantes s’établissait la même année à 583 euros par mois. Le montant de la cotisation est néanmoins très variable d’un contrat à l’autre : il varie selon le niveau de rente choisi (les rentes proposées par les assureurs allant en moyenne de 340 à 1 942 euros par mois) et la couverture (dépendance lourde uniquement versus dépendance lourde et dépendance partielle). Le montant de la cotisation est par ailleurs fortement croissant avec l’âge de l’assuré au moment de la souscription.
Les couvertures proposées sont donc incomplètes. Elles couvrent uniquement la dépendance lourde dans deux tiers des contrats souscrits auprès des sociétés d’assurance et dans la très grande majorité des contrats souscrits auprès d’une mutuelle ou d’une institution de prévoyance
Les assureurs qui craignent un risque de dérive du coût moyen par assuré, démultiplié au fur et à mesure du vieillissement de la population sont tentés de se couvrir eux-mêmes en pratiquant des prix élevés et des prestations réduites.
Les assurés de leur côté tendent à minimiser le risque ou à surestimer les aides publiques auxquelles ils pourraient prétendre. Ils ne sont donc pas tentés de s’assurer contre la dépendance. Le marché vu sous l’angle de la demande présente plusieurs caractéristiques :
- L’éloignement temporel entre la décision de souscription à une assurance et la survenance du risque.
- La manière dont un individu perçoit sa richesse. S’il se sent riche, il ne verra pas la nécessité de s’assurer. Autrement dit, les individus seraient peu enclins à transférer de la richesse à la personne âgée dépendante qu’ils pourraient être dans le futur.
- Troisième caractéristique spécifique du risque dépendance : le rôle important joué par l’aide informelle. L’existence d’une assurance implicite fournie par l’entourage pourrait évincer la demande d’assurance. L’aide familiale permet en effet de diminuer le risque financier supporté par l’individu.
En conclusion, la capacité du marché à suppléer les solidarités publiques et familiales apparaît limitée. Si certains des freins liés au manque d’attractivité de l’offre s’expliquent par le manque de maturité du marché et pourront être partiellement levés à l’avenir, les freins propres à la demande sont quant à eux difficiles à dépasser.
L’instauration d’une assurance obligatoire, sans présager du caractère public ou privé d’une telle assurance, peut apparaître dans ce contexte comme le meilleur moyen d’assurer une réelle mutualisation des risques. La myopie des agents, voire la préférence pour le présent, sont à ce titre des arguments fréquemment évoqués pour justifier l’instauration d’une assurance obligatoire.
L’instauration d’une assurance obligatoire, sans présager du caractère public ou privé d’une telle assurance, peut apparaître dans ce contexte comme le meilleur moyen d’assurer une réelle mutualisation des risques. La myopie des agents, voire la préférence pour le présent, sont à ce titre des arguments fréquemment évoqués pour justifier l’instauration d’une assurance obligatoire.