Une nonagénaire expulsée de sa maison de retraite
Rappel des faits
Vendredi 4 janvier, à la veille du week end, Anne, 94 ans, a été mise à la porte de la villa Beausoleil de Chaville, la maison de retraite privée ou elle résidait depuis deux ans.
La direction de l'établissement a installée la vieille dame, d’autorité dans une ambulance laquelle s’est dirigée vers Brou (Eure-et-Loire) où vit l'un de ses fils qui s'occupe administrativement de son dossier. Trouvant porte close, les ambulanciers ont appelé la direction de l'établissement qui a demandé le dépôt de la vieille dame aux urgences d'un hôpital proche, à Châteaudun.
L'établissement a justifié sa décision en raison d'un impayé de 39 700 euros sur frais de séjour.
L’importance médiatique de l’affaire a amené une mobilisation générale.
Dès lundi 7 janvier, l’Agence régionale de santé Ile de France publiait un communiqué annonçant l’ouverture d’une enquête. La ministre des personnes âgées, Michèle Delaunay, s’indignait le même jour qu’une personne vulnérable ait pu être « expulsée sur décision du directeur à la veille d'un week-end, en période hivernale". La ministre ajoutait qu’il s’agissait d’une "violation du droit et de la dignité humaine", rappelait que la chambre d'un résident "est son domicile, sur le plan légal" et concluait : "tous les feux sont au rouge".
Conscients du dommage apporté à leur enseigne, Richard Claverie et Laurent Boughaba, cofondateurs et coprésidents des Villa Beausoleil, ont, le 7 janvier, publié un communiqué indiquant que le renvoi relevait d'une "décision que nous avons prise afin de faire réagir la famille, qui avait été condamnée le 31 octobre 2012 par le TGI de Nanterre à régler les arriérés dus, plusieurs dizaines de milliers d’euros – une décision juridique à laquelle la famille n’a pas donné suite". Les dirigeants de la société ont regretté leur décision et suspendu le directeur de l’établissement fautif. Ils ont aussi proposé de faire revenir la vieille dame en dépit des 40.000 euros de loyer impayés. Ce que la famille a refusé. "Nous n'avons jamais souhaité la laisser sur le trottoir. Nous voulions la raccompagner auprès de l'un de ses fils (qui suit son dossier) pour qu'il réagisse. Trouvant porte close, nous l'avons confié temporairement à un hôpital, une décision maladroite que je regrette", a expliqué Richard Claverie.
Vendredi 11 janvier, l’Agence Régionale de Santé Ile-de-France a rendu à Michèle Delaunay, les premières conclusions de son enquête sur l’expulsion de la nonagénaire. Il apparait que l’établissement a fait preuve de « négligence grave » en ommettant de ne lui faire signer un contrat de séjour au moment de son entrée, et en ne respectant pas les procédures prévues par la loi au moment de sa sortie.
L’ARS souligne les « négligences récurrentes » de la famille en raison du défaut régulier de paiement des frais d’hébergement (39.700 euros). L’ARS estime néanmoins que la décision de rupture unilatérale de la relation commerciale avec la résidente a été prise dès le 6 décembre, et que la préparation de son renvoi a été organisée le 18 décembre, sans qu’à aucun moment la résidente ne soit informée. Il semble aussi que l’établissement « ne s’est pas assuré au préalable de la présence du fils à son domicile ».
Une procédure de référé a été engagée par l’établissement pour obtenir le paiement des arriérés, mais aucune mesure judiciaire ne permettait de décider l’expulsion de cette personne âgée de son domicile.
Compte tenu de ces éléments, Michèle Delaunay a annonce que la maison de retraite « Villa Beausoleil » serait désormais placée sous mesures de contrôle renforcé. L’ARS Ile-de-France diligentera sous un mois une nouvelle inspection pour faire le point approfondi sur la qualité de l’ensemble des prestations dans cet établissement.
Michèle Delaunay se félicite par ailleurs que l’ARS Ile-de-France ait trouvé une solution adaptée d’hébergement pour cette dame, qui s’installe dès aujourd’hui dans un nouvel établissement francilien. La ministre déléguée aux personnes âgées a déclaré également :"si la loi a été violée, nous pourrions être amenés à engager une plainte; si la procédure de mise en alerte de la famille a bien été respectée, ce sera peut-être plus conciliant".
Les dirigeants du groupe villa Beausoleil se refusent désormais à toute déclaration et l'ARS poursuit son investigation.