Bien vieillir (prendre soin de soi)
La longévité inspire Carl Honoré et Pascal Bruckner
La clé ? Rester actif, bouger, avoir des projets, jusqu’au bout
Carl Honoré, l'auteur du mouvement "slow", éloge de la lenteur, est rattrapé par le temps. Quant au soixante-huitard Pascal Bruckner, il questionne cette espérance de vie inédite. Les deux auteurs pointent l'âgisme individuel et collectif et partagent des pistes pour un art de vivre cette vie "en plus".
Affronter l'âgisme
Vous êtes trop vieux pour... Ce dénigrement du vieillissement peut devenir une prophétie auto-réalisatrice s'inquiète Carl Honoré, avec un dégoût de soi vieillissant, des vieux, des peurs incontrôlées. Vieillir est à la fois "difficile, complexe et beau".
"Nous ne savons pas qui nous sommes si nous ne savons pas qui nous serons écrit Simone de Beauvoir" (p.267 C.Honoré). "Ce vieil homme, cette vieille femme, nous reconnaissons-nous en eux ? Il le faut si nous voulons assumer dans sa totalité, notre condition humaine".
Parmi les antidotes contre l'âgisme, Carl Honoré plébiscite les rencontres intergénrationnelles (p.272). Mais il ne s'agit pas de réunir des générations en groupe et "se croiser les doigts : il faut encadrer, guider, fixer des règles, sinon les projets les miex élaborés peuvent partir à vau-l'eau." Il critique ainsi la célèbre Maison des Babayagas à Montreuil où les rencontres jeunes/vieux ne sont pas contractualisées.
Défroqué du jeunisme de 68, Pascal Brukner interroge cette médecine qui nous accorde une génération supplémentaire. Comment être vivant sans que le vie ne fasse que s'attarder ? Comment exister (et continuer d'apprendre ) ?
Pascal Brukner insiste : l'existence est avant tout une expérience (le corps ne ment pas P.82). Et si l'on restait "admiratif du miracle étourdissant de la vie" ?
Autre croyance balayée par la Banque mondiale : le coût du vieillissement. Les études montrent que nos sociétés ont plus de richesses liées aux expériences des citoyens âgés.
De l'hygiène de vie à l'engagement dans ses projets, dans la cité, dans l'amour
Une activité physique intense et quotidienne, manger sain, boire peu d'alcool, ne pas fumer... Face à ces conseils hygiéniques Carl Honoré insiste sur l'importance des liens sociaux forts, le fait d'avoir un but pour se lever le matin (Ikigaï en japonais), apprendre à tout âge, rire beaucoup et avoir des relations sexuelles. "Nous vieillissons quand nous cessons de tomber amoureux", Gabriel Garcia Marquez. "Seul l'amour nous réveille, nous justifie d'être", insiste Pascal Brukner. "Aimer c'est aussi se réjouir que l'autre existe, que l'on soit encore vivant pour le lui dire". "La vraie tragédie : c'est cesser d'aimer" (P.148)
Le vieillissement : bonus plutôt que fardeau ?
Vieillir c'est continuer d'apporter sa part au monde, continuer d'exercer notre corps et notre esprit, sans tomber du culte de la jeunesse au culte de la vieillesse prévient C.Honoré dans sa conclusion (p.286). Il cite ces "Perennials" (terme de G.Pell, cyber-entrepreneuse) : ceux qui refusent d'être définis et emprisonnés par l'âge.
Mais pour Pascal Bruckner : "la mort reste le grand effroi", que l'on repousse toujours. Il cite la Comtesse du Barry : "encore un instant monsieur le bourreau".
Pour éviter que le handicap et la maladie n'envahissent le quotiden, les auteurs cherchent à nous en protéger.
Ils rappellent que l'on n'est jamais trop vieux pour caresser de nouveaux rêves comme se mettre au piano à 65 ans pour C. Ritchie, spécialiste de la démence (p.290 du C.Honoré). "Ce qui nous grandit ?" questionne Pascal Brukner "La beauté, l'amour, la bonté, la sensation de l'infini... qui nous consolent d'être là, vers l'acceptation de l'inacceptable : cette mort qui nous rappelle le prix de notre existence, en transit".
La révolution de la longévité
Carl Honoré
Editions Marabout
et
Une brève éternité
Philosophie de la longévité
Pascal Bruckner
Editions Grasset