Un rebelle vieillissant, intervention de Jean Giard aux 16èmes Assises Locales Gérontologiques
Jean Giard est le fondateur d'Alertes 38. Il est intervenu aux 16èmes Assises Locales Gérontologiques organisées par la Municipalité de Saint Martin d’Hères en mai 2013. Nous vous livrons son intervention.
"Je suis un rebelle vieillissant… Et j’ai l’intention de le rester le plus longtemps possible.
Rebelle je le suis quand dans le Petit Robert pour définir les vieux on peut lire : Qui a les caractères physiques ou moraux d’une P.A. Voir : caduc, décrépi, sénile... alors que dans certains pays, pour parler d’un homme devenu sourd avec l’âge, on dit “il est tellement grand que notre parole n’arrive pas jusqu’à lui.”
Il s’agit là d’un défi que la société française se doit de relever : Les vieux ont droit à la parole, et à la parole libre autant que quiconque et quels qu’ils soient, dans le respect de leur diversité, de leur histoire, de leur situation, de leur culture. La personne humaine n’a pas d’âge; elle a une dignité. Ils ont tous quelque chose à nous dire, y compris ceux, prisonniers du silence, pour qui le regard aussi furtif soit-il en dit parfois plus long que bien des discours.
Mais s’ils ont droit à la parole, et si on leur donne la possibilité de s’exprimer, c’est pour être écoutés et entendus. Sinon le droit à la parole n’a plus de contenu, voire de sens.
La vieillesse n’est pas une maladie. Ce qui nous définit, ce n’est pas tant notre âge que ce que nous avons fait de notre passé et ce que nous comptons faire de notre avenir. Car quelque soit notre âge, nous avons un avenir et donc un projet de vie. Il n’y a pas de vie humaine sans projet ; à condition de faire en sorte que les personnes âgées qui sont encore en mesure d’être utiles puissent l’être.
La Persaonne Agée doit être reconnue comme une personne à part entière ayant des droits à faire valoir ne serait ce que celui de pouvoir choisir son chemin et son rythme, de s’assumer, de se tromper. Il n’y a pas de dignité sans liberté.
Rebelle je le suis, tant que les retraités avec les enfants apporteront la plus forte contribution à la hausse de la pauvreté, tant que pour les plus de 60 ans le taux de pauvreté, selon l’observatoire des inégalités, demeurera un phénomène inquiétant qui pourrait se prolonger sur le long terme, tant que 48% des retraités vivront en-dessous du seuil de pauvreté. De plus en plus, on verra arriver à l’âge de la retraite des générations dont les carrières ont été marquées par le chômage, de plus en plus de femmes davantage touchées par la précarité de l’emploi, ce qui se traduira par des pensions plus faibles.
Rebelle, je le suis d’autant plus que ce sont les personnes en grande difficulté qui auraient le plus besoin de participer à la vie de la cité sous quelque forme que ce soit, en particulier, par des activités bénévoles et de se faire entendre qui en sont le plus éloignées.
Rebelle je le resterai, car il vaut mieux vieillir acteur que simplement actif.
On me demande parfois comment, à mon âge, je peux continuer d’avoir une activité bénévole aussi importante. Le comment tient à ce que je pense que, sauf accident, on vieillit comme on a vécu. Or mes engagements syndical, politique, électif, associatif ne datent pas d’aujourd’hui. Aujourd’hui est le prolongement naturel de ces quelques décennies.
Comme l’écrivait E. Mounier : « Nous ne nous engageons que dans des combats discutables sur des causes imparfaites. Refuser pour autant l’engagement, c’est refuser la condition humaine. »
J’ai trouvé dans mon engagement le sentiment d’être utile à la société et d’agir pour les autres, un épanouissement personnel, des rencontres et des amitiés fortes, de répondre à un devoir de transmission de l’histoire mais aussi des valeurs pour lesquelles nous avons tous combattu… Cet engagement est source de lien social. Il donne du sens au temps qu’il me reste à vivre... Il est une nécessité pour soi et pour la société.
Ayant accompagné mon épouse de nombreuses années dans la maladie d’Alzheimer, je me suis souvent demandé comment dans ces conditions, être actif, participer, prendre des responsabilités, exercer pleinement sa citoyenneté… pour à la fois, lutter contre le sentiment de culpabilité, contre la solitude et mieux connaître la maladie pour y faire face au mieux et pas seulement faire avec.
J’ai adhéré à l’association Isère Alzheimer. J’y ai trouvé la compréhension, l’amitié, le soutien, la compétence qui m’ont permis de surmonter et de comprendre l’incompréhensible.
J’ai créé l’association Alertes, dont le manifeste adopté par son assemblée générale constitutive en Juin 2003 déclare : « Les personnes âgées ont droit elles aussi au bonheur ».
Rester rebelle, cela veut dire à la fois s’indigner, résister, mais aussi proposer et rassembler. Vaine est la critique sans l’engagement. Face au monde qui change, le besoin est grand de la mobilisation et de l’intervention de toutes les intelligences et expériences.
Source d'épanouissement personnel, le bénévolat peut permettre de donner du sens à sa vie à tout âge, ainsi en témoignent les bénévoles qui expriment à quel point se préoccuper des autres les satisfait et les épanouit. Si le bénévole met ses compétences au service de son engagement, il en acquiert d'autres par le partage au sein du secteur associatif, ou dans une démarche de transmission entre générations.
C’est pourquoi il nous faut soutenir et initier toutes les initiatives qui contribuent à changer profondément le regard de la société sur le vieillissement, afin de donner à chacun la possibilité de s’exprimer, d’être entendu et d’agir sur son territoire, inclure davantage la dimension intergénérationnelle dans les préoccupations politiques, de développer et renforcer la citoyenneté, défendre mais aussi promouvoir les droits des retraités et personnes âgées.
Nous avons un monde à inventer, et à préparer ensemble le meilleur avenir souhaitable pour les générations".
"Je suis un rebelle vieillissant… Et j’ai l’intention de le rester le plus longtemps possible.
Rebelle je le suis quand dans le Petit Robert pour définir les vieux on peut lire : Qui a les caractères physiques ou moraux d’une P.A. Voir : caduc, décrépi, sénile... alors que dans certains pays, pour parler d’un homme devenu sourd avec l’âge, on dit “il est tellement grand que notre parole n’arrive pas jusqu’à lui.”
Il s’agit là d’un défi que la société française se doit de relever : Les vieux ont droit à la parole, et à la parole libre autant que quiconque et quels qu’ils soient, dans le respect de leur diversité, de leur histoire, de leur situation, de leur culture. La personne humaine n’a pas d’âge; elle a une dignité. Ils ont tous quelque chose à nous dire, y compris ceux, prisonniers du silence, pour qui le regard aussi furtif soit-il en dit parfois plus long que bien des discours.
Mais s’ils ont droit à la parole, et si on leur donne la possibilité de s’exprimer, c’est pour être écoutés et entendus. Sinon le droit à la parole n’a plus de contenu, voire de sens.
La vieillesse n’est pas une maladie. Ce qui nous définit, ce n’est pas tant notre âge que ce que nous avons fait de notre passé et ce que nous comptons faire de notre avenir. Car quelque soit notre âge, nous avons un avenir et donc un projet de vie. Il n’y a pas de vie humaine sans projet ; à condition de faire en sorte que les personnes âgées qui sont encore en mesure d’être utiles puissent l’être.
La Persaonne Agée doit être reconnue comme une personne à part entière ayant des droits à faire valoir ne serait ce que celui de pouvoir choisir son chemin et son rythme, de s’assumer, de se tromper. Il n’y a pas de dignité sans liberté.
Rebelle je le suis, tant que les retraités avec les enfants apporteront la plus forte contribution à la hausse de la pauvreté, tant que pour les plus de 60 ans le taux de pauvreté, selon l’observatoire des inégalités, demeurera un phénomène inquiétant qui pourrait se prolonger sur le long terme, tant que 48% des retraités vivront en-dessous du seuil de pauvreté. De plus en plus, on verra arriver à l’âge de la retraite des générations dont les carrières ont été marquées par le chômage, de plus en plus de femmes davantage touchées par la précarité de l’emploi, ce qui se traduira par des pensions plus faibles.
Rebelle, je le suis d’autant plus que ce sont les personnes en grande difficulté qui auraient le plus besoin de participer à la vie de la cité sous quelque forme que ce soit, en particulier, par des activités bénévoles et de se faire entendre qui en sont le plus éloignées.
Rebelle je le resterai, car il vaut mieux vieillir acteur que simplement actif.
On me demande parfois comment, à mon âge, je peux continuer d’avoir une activité bénévole aussi importante. Le comment tient à ce que je pense que, sauf accident, on vieillit comme on a vécu. Or mes engagements syndical, politique, électif, associatif ne datent pas d’aujourd’hui. Aujourd’hui est le prolongement naturel de ces quelques décennies.
Comme l’écrivait E. Mounier : « Nous ne nous engageons que dans des combats discutables sur des causes imparfaites. Refuser pour autant l’engagement, c’est refuser la condition humaine. »
J’ai trouvé dans mon engagement le sentiment d’être utile à la société et d’agir pour les autres, un épanouissement personnel, des rencontres et des amitiés fortes, de répondre à un devoir de transmission de l’histoire mais aussi des valeurs pour lesquelles nous avons tous combattu… Cet engagement est source de lien social. Il donne du sens au temps qu’il me reste à vivre... Il est une nécessité pour soi et pour la société.
Ayant accompagné mon épouse de nombreuses années dans la maladie d’Alzheimer, je me suis souvent demandé comment dans ces conditions, être actif, participer, prendre des responsabilités, exercer pleinement sa citoyenneté… pour à la fois, lutter contre le sentiment de culpabilité, contre la solitude et mieux connaître la maladie pour y faire face au mieux et pas seulement faire avec.
J’ai adhéré à l’association Isère Alzheimer. J’y ai trouvé la compréhension, l’amitié, le soutien, la compétence qui m’ont permis de surmonter et de comprendre l’incompréhensible.
J’ai créé l’association Alertes, dont le manifeste adopté par son assemblée générale constitutive en Juin 2003 déclare : « Les personnes âgées ont droit elles aussi au bonheur ».
Rester rebelle, cela veut dire à la fois s’indigner, résister, mais aussi proposer et rassembler. Vaine est la critique sans l’engagement. Face au monde qui change, le besoin est grand de la mobilisation et de l’intervention de toutes les intelligences et expériences.
Source d'épanouissement personnel, le bénévolat peut permettre de donner du sens à sa vie à tout âge, ainsi en témoignent les bénévoles qui expriment à quel point se préoccuper des autres les satisfait et les épanouit. Si le bénévole met ses compétences au service de son engagement, il en acquiert d'autres par le partage au sein du secteur associatif, ou dans une démarche de transmission entre générations.
C’est pourquoi il nous faut soutenir et initier toutes les initiatives qui contribuent à changer profondément le regard de la société sur le vieillissement, afin de donner à chacun la possibilité de s’exprimer, d’être entendu et d’agir sur son territoire, inclure davantage la dimension intergénérationnelle dans les préoccupations politiques, de développer et renforcer la citoyenneté, défendre mais aussi promouvoir les droits des retraités et personnes âgées.
Nous avons un monde à inventer, et à préparer ensemble le meilleur avenir souhaitable pour les générations".