Le Cepii s'interroge sur la politique d'immigration et sa capacité à pallier les coûts du vieillissement
Réponse : oui, mais au prix de transformations démographiques en profondeur
Le Centre d’études prospective et d’informations internationales (Cepii) s’est interrogé en juin 2011 sur la contribution de différentes politiques migratoires susceptibles d’alléger le poids fiscal du vieillissement. L’étude (N° 311) menée par Xavier Chojnicki et Lionel Ragot rappelle en se basant sur plusieurs études récentes que « en moyenne, les migrants contribuent moins aux recettes de la protection sociale que les autochtones et perçoivent plus de prestations ».
Cette différence de contributions nettes s'observe essentiellement pendant la période de la vie active et s'explique « principalement par des différences de prélèvements : les prélèvements obligatoires versés par un immigré âgé de 40 ans sont par exemple inférieurs de près de 20% au montant acquitté par un natif du même âge ». La raison tient au « moindre niveau de qualification » : 50% des immigrés âgés de 30 ans en 2006 avait un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat contre 34% chez les autochtones et dans les difficultés d'insertion qu'ils peuvent rencontrer sur le marché du travail (leur taux de chômage est environ deux fois supérieur au reste de la population).
Dans le même temps, les immigrés sont surreprésentés dans certains risques sociaux tels que le risque chômage, aides sociales ou famille, dont les prestations sociales concernent pour l'essentiel des individus en âge d'activité. Inversement, après 60 ans, les transferts moyens reçus par les immigrés deviennent inférieurs à ceux des autochtones, notamment parce que les premiers utilisent moins le système de santé (du fait de barrières culturelles et informationnelles, d'une situation économique et sociale plus défavorisée, d'une moindre couverture par des complémentaires) et touchent de plus petites pensions de retraite (car leur carrière a été plus courte et heurtée).
En définitive, même si, pour un âge donné, la contribution nette des migrants est toujours inférieure à celle des autochtones (sauf au-delà de 60 ans), le fait qu'ils soient en moyenne plus jeunes (70% des immigrés ont entre 20 et 60 ans contre 53% chez les autochtones), et donc regroupés dans les catégories de contributeurs nets au budget public, va venir entièrement contrebalancer l'éventuel "surcoût" pour certaines branches de la protection sociale. Ainsi, la contribution nette globale de l'immigration au budget des administrations publiques serait positive et de l'ordre de 3,9 milliards d'euros pour l'année 2005.
Ce gain potentiel découlant de l'immigration est-il une raison suffisante pour orienter la politique migratoire en réponse au défi du vieillissement démographique ? Pour répondre à cette question, le Cepii a utilisé les résultats d'un modèle d'équilibre général calculable appliqué au cas de la France.
L'arrêt de l'immigration à partir de 2010 aboutirait à un creusement du besoin de financement de 1,3% à l'horizon 2050.
En revanche, une politique migratoire ambitieuse permettrait de réduire le poids fiscal du vieillissement en 2050 d'un peu plus de 20% sans critère de sélection et d'environ 30% avec une politique très sélective portant sur les seuls immigrés diplômés. "Ce résultat n’est pas négligeable mais suppose que le reste de la société accepte les transformations démographiques qu'impliquent ces flux migratoires" : le taux de présence immigrée sur le territoire national passerait de 10% aujourd’hui à plus de 18%.
A très long terme (à horizon 2100), ces gains disparaissent quasiment pour la politique très sélective et restent faiblement positif pour la politique non sélective (baisse du besoin de financement de 0,5 point de PIB, selon notre modèle).