Le coup de gueule de Catherine, une aidante
« Fatiguée d’entendre les experts parler DE moi sans qu’à aucun moment ils ne m’aient parlé A moi…»
Vous savez quoi ? J’en ai marre. Marre de tous ces grands théoriciens du « care », marre de ces rencontres, colloques, tables-rondes, débats. Fatiguée de lire ces programmes creux, ces comptes rendus stériles. Fatiguée d’entendre parler DE moi sans qu’à aucun moment on ne m’ait parlé A moi. A aucun moment, je ne me suis reconnue dans aucun des portraits qui sont faits des aidants. A aucun moment, je ne me suis sentie concernée par aucune des solutions de répit proposées.
Cela fait désormais 3 ans que je suis aidante, 2 ans que je m’intéresse de près aux politiques en faveur des aidants. Or ces deux dernières années ma situation n’a changé ni d’un euro, ni d’un iota. Pourtant il y en a eu des réunions, des congrès, des palabres et des journées. Il y en a eu des sociologues qui ont parlé aux politiques, des économistes qui ont félicité des décideurs. Chacun s’auto-congratule du travail fourni, des idées qui émergent, tout ce petit monde s’auto-satisfait de tous ces concepts creux. Et ? Concrètement ? Résultat ? Toujours le même : on a bien pris conscience des besoins des aidants (besoin de répit, besoin d’écoute, besoin de faire attention à leur santé, besoin d’être reconnu au travail, par la société, par le corps médical, etc.) mais faute d’argent on n’a rien à leur proposer. Pourtant de l’argent il y en a, ne serait-ce que pour les organiser ces fameuses journées, pour financer toutes ces études, ces sondages. Avec ce qu’a coûté un colloque, combien de places en accueil de jour aurait-on pu créer ? Combien d’aidants auraient pu souffler une journée ?
Lorsque je lis sur la page du site de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) « Ces journées ont permis de faire le point sur nos connaissances sur les multiples facettes du rôle d’aidant » je me tape la tête contre les murs !!! Parce que là sont développés tous les points que nous développons entre nous aidants dans divers forums depuis deux ans !!!
Ah si il y a tout de même une phrase à mettre en exergue : « l’aide professionnelle est le premier contributeur au bien-être des aidants » Alors là, pardon mais j’ai envie de hurler !!!
Je commence à travailler à 8h, l’aide à domicile doit arriver à 7h30, il est 7h45 elle n’est toujours pas là, je vais arriver en retard au travail où est mon bien-être ?
Ce matin, l’auxiliaire de vie qui arrive est nouvelle. Elle ne connait pas mon proche, mon proche ne la connait pas, elle ne connait pas la maison, nos habitudes, je vais partir travailler anxieuse, où est mon bien-être ?
C’est décidé, samedi je m’occupe de MOI. J’ai pris rendez-vous chez l’esthéticienne, puis avec une amie pour boire un café en terrasse au soleil. L’association qui gère nos aides à domicile a, sans me consulter, pris la liberté de décaler son intervention de samedi à mardi, mes rendez-vous tombent à l’eau, où est mon bien-être ?
Je me sens fatiguée en ce moment, j’ai donc pris rendez-vous chez mon médecin à 15h profitant de la présence de l’auxiliaire de vie. Elle doit arriver à 14h30 mais n’est pas là. J’appelle l’association, ils ont oublié de me prévenir, l’intervention est décalée d’une demi-heure. « On ne peut pas prévenir tout le monde hein… » Tant pis je n’irai pas chez le médecin cette semaine. Où est mon bien-être ????
Tous ces exemples sont tirés de mon expérience personnelle ou de l’expérience d’autres aidants qui communiquent sur des forums.
Sur la page de la CNSA, on peut lire : « Plus de 650 personnes ont échangé sur la situation des proches aidants ». Non !!! Ces 650 personnes n’ont sûrement pas pris la parole !!! À mon avis, 50 personnes ont parlé et 600 ont écouté (ou fait semblant en lisant leurs mails ou en twittant sur leurs smartphones cf. le billet de blog de C. Roumanoff sur la JNA 2014) et parmi ces 650 personnes combien peuvent dire « J’ai vraiment appris quelque chose lors de ces rencontres » ?
En fait, ce qui m’agace le plus et me navre encore plus c’est ce sentiment d’autosatisfaction qui émerge dans chaque compte-rendu. Tous ces scientifiques mobilisent à eux-seuls beaucoup de moyens y compris financiers pour arriver scientifiquement aux mêmes conclusions que nous empiriquement, mais surtout avec deux ans de retard !!! A vrai dire, ce que j’aimerais connaître c’est le pourcentage du budget de la CNSA réellement utilisé pour les aidants, comparé à celui utilisé pour financer ces études et ces journées…
En conclusion du compte-rendu de ces journées scientifiques, au chapitre « Des perspectives pour la CNSA », il est mentionné que ce même organisme va (encore) financer une étude pour évaluer l’intérêt des différentes mesures qui ont été cofinancées précédemment. Donc, on fait d’abord une étude pour évaluer les besoins, puis on se réunit pour évaluer les résultats de cette étude puis on crée des mesures en faveur des aidants et de leurs proches aidés puis on re-finance une étude afin d’évaluer les résultats des mesures….
En conclusion du compte-rendu de ces journées scientifiques, au chapitre « Des perspectives pour la CNSA », il est mentionné que ce même organisme va (encore) financer une étude pour évaluer l’intérêt des différentes mesures qui ont été cofinancées précédemment. Donc, on fait d’abord une étude pour évaluer les besoins, puis on se réunit pour évaluer les résultats de cette étude puis on crée des mesures en faveur des aidants et de leurs proches aidés puis on re-finance une étude afin d’évaluer les résultats des mesures….
Mon proche a faim. Je vais donc lancer une étude afin d’évaluer son réel appétit, je vais pour cela demander à la nutritionniste s'il est normal que mon proche ait faim toutes les 5 heures, puis, en fonction des réponses de la nutritionniste, je vais lancer un programme « alimentation », soit lui cuisiner un repas, puis je vais évaluer la satisfaction de ses besoins en alimentation. « Ça va ? Tu as bien mangé ? Tu as encore faim ? » Et bien sûr ce processus, je le recommencerai trois fois par jour… Voilà voilà voilà...
Non, vraiment j’en ai assez des toutes ces études qui enfoncent des portes ouvertes ! Quand vont-ils vraiment se mettre au travail et nous créer des programmes qui correspondent vraiment à nos besoins ?